Le gouvernement a annoncé le 27 juillet 2022 qu’un projet de loi sur l’immigration serait présenté en octobre au Sénat. Un nouveau texte seulement 4 ans après la loi Collomb, alors qu’aucun bilan n’a été tiré de l’application de cette dernière !
Il a opté pour une loi d’orientation et de programmation raccourcie, assortie d’un texte spécifique sur l’immigration pour favoriser les éloignements (notamment de ceux qui ont commis des délits) et simplifier les contentieux pour expulser plus facilement. Cette manœuvre vise à obtenir une majorité sur l’immigration. C’est une offensive sécuritaire dont M. Darmanin est le chantre !
Stéphane Maugendre avocat, président du GISTI déclare : « Depuis 40 ans, on parle de l’expulsion des étrangers ! Déjà, sous Mitterrand, on en parlait ! Sarkozy en parlait ! Régulièrement les ministres de l’Intérieur français font ce genre de déclarations pour ramener à eux les gens du Rassemblement National. ». Or en 2021, 16 819 étrangers ou étrangères en situation irrégulière ont quitté le territoire français. Et Matthieu Tardis, chercheur à l’Institut français des relations internationale (IFRI) complète ces informations : « Depuis 2017, Emmanuel Macron a augmenté de 30 % les capacités des centres de rétention et allongé la durée de rétention. Mais pour un faible résultat. Les éloignements forcés sont certes passés de 12 961 en 2016 à 18 906 en 2019 bien loin des plus de 100 000 OQTF annuelles ! Car pour pouvoir expulser, il faut obtenir un laissez-passer consulaire des pays d’origine qui y ont peu d’intérêt ! ».
C’est le moment pour nous de nous unir avec toutes celles et tous ceux qui travaillent avec les migrant·es pour présenter nos exigences et faire gagner nos positions sur un terrain qui ne doit pas être laissé à la droite et à l’extrême droite.
Au moment où l’Espagne assouplit ses règles pour encourager une immigration régulière ordonnée et sûre face au manque de main d’œuvre, (immigré·es sans papier depuis 2 ans sur le territoire espagnol), allons-nous laisser le gouvernement français fermer les frontières et expulser les migrant·es ? Allons-nous les laisser continuer à donner des OQTF à des mineur·es apprenti·es devenu·es majeur·es qui ont été formé·es dans les lycées français pour travailler dans les métiers en tension ? Allons-nous laisser s’étioler dans des structures du 115, des jeunes familles migrantes inexpulsables, alors que les adultes sont prêt·es à travailler et à être autonomes et que les enfants sont scolarisés ? Supporterons-nous encore l’ouverture de nouveaux CRA (comme à Lyon) ?
Alors que faire ?
Toutes les études d’opinion font ressortir le recul des discriminations et du racisme. Nous avons donc un socle de personnes et d’associations avec qui nous pouvons travailler. Prenons contact avec ATTAC, la LDH, la FASTI, MDH, MSF, les organisations humanitaires… Et avec le FUIQP, les Pas sans nous, On s’en mêle… qui sont des organisations politiques des quartiers populaires. Plusieurs de ces organisations ont déjà des demandes concernant les migrant·es : faisons-en un cahier de revendication collectif et un projet de loi !
Prévoyons une campagne : des réunions locales, des interviews dans la presse, des grandes assemblées adoptant des textes transformés en grandes pétitions. Pas forcément un raout national pour commencer, des affirmations locales fortes pour mettre au ban les idées de Darmanin.
Cela se combine avec les campagnes pour l’accueil des migrant·es, la défense de tous les droits pour les sans papiers, des droits politiques pour les résident·es qui ne relèvent pas de naturalisations au coup par coup mais relèvent d’une mise en œuvre du droit du sol élargi…
Peut-être pourrons-nous alors en faire un grand débat national : montrer que les idées du gouvernement sont minoritaires en portant un texte approuvé dans de multiples villes et départements, peut-être même une pétition de plusieurs millions de personnes… C’est prioritaire avant de demander un relais législatif aux parlementaires.
Nous pouvons déjà affirmer les revendications d’ENSEMBLE! sur les migrant·es et y ajouter celles des différentes organisations et regroupements auxquels nous appartenons.
Les 11 propositions d’Ensemble ! (à compléter)
Contre une politique désastreuse de l’Europe et de l’État français, nous faisons des propositions
L’Europe et l’État français conduisent une politique injuste, démagogique, inefficace, nuisible, voire meurtrière.
– Une politique injuste car le droit des exilé.es n’est pas respecté : il est quotidiennement bafoué dans tous les pays européens.
– Une politique démagogique qui cherche à satisfaire les personnes qui ont des positions solidaires par quelques phrases humanistes, mais qui, en réalité, met en place des dispositifs destinés à plaire à la droite et à la droite extrême.
– Une politique inefficace car contradictoire. Par exemple on veut empêcher les exilé·es d’entrer sur les territoires et on les empêche de sortir de France à Calais, Ouistreham et sur la frontière espagnole. Une politique inefficace car, tant dans la Roya, qu’au Montgenèvre, qu’à Bayonne, etc. les migrant.es continuent à passer.
– Une politique nuisible qui a un coût physique et psychologique élevé pour des personnes déracinées, traumatisées, in-sécurisées. Les aidant·es sont aussi poursuivi·es, contrôlé·es, jugé·es, interdit·es de manifestations.
– Une politique meurtrière sur les frontières où trop de personnes ont perdu la vie (dans la Roya, les Hautes-Alpes, à Calais) et sur la mer Méditerranée où les morts se comptent par centaine de milliers.
Face à cette politique nous affirmons que la diversification des routes est une constante dans l’histoire des mouvements migratoires : si elle passe par l’Europe et par la France c’est une chance, pas une charge ni un danger. L’invasion annoncée est un fantasme : l’accueil est possible si tout le monde y met du sien. Voici onze résolutions qui sont nées au cours de notre cheminement pour que l’Europe et la France aient une réelle politique migratoire. Nous veillerons, par divers moyens, à ce qu’elles soient appliquées.
Défendre de manière intransigeante le droit à la liberté de circulation et d’installation. (art.13 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1947)
Refuser la distinction entre les migrant·e·s de pays non sûrs et celles ou ceux qui viennent pour des raisons économiques ou climatiques.
Assurer le sauvetage, la protection et la mise à l’abri en mer et en montagne. Plus de bateaux de sauvetage à quai ou ne pouvant pas y aborder. Plus de migrant·e·s abandonné·e·s sur des chemins de montagne dangereux.
Lutter contre le non respect des conventions internationales aux frontières : les mineur·es migrant·es et les demandeurs ou demandeuses d’asile doivent être accueilli·es : ils ou elles ne menacent pas la sécurité intérieure de l’Europe et de la France.
Renoncer au Règlement de Dublin et aux Accords du Touquet : laissons les migrant·e·s choisir leur destination quand ils ou elles le souhaitent.
Arrêter la militarisation des frontières et les ouvrir à nouveau, pour sauver les vies, pour rendre la mobilité plus fluide (permettre aux migrant·es d’aller et venir), pour lutter contre les passeurs et les passeuses, pour protéger les exilé·es.
Dénoncer et attaquer les exactions commises par les représentant·es de l’État français aux frontières et ailleurs.
Affirmer et continuer la solidarité : la fraternité a été reconnue comme un droit par le Conseil Constitutionnel, pourtant l’État français et ses représentant·es poursuivent les solidaires. Ces poursuites et ce harcèlement doivent cesser immédiatement.
Alerter les pouvoirs publics sur la situation des jeunes non reconnu·es mineur·es qu’ils mettent à la rue. Ils et elles sont en danger car vulnérables. Nous devons refuser que les représentant·es de l’État emploient les mots comme « ils disparaissent », « ils se sont évaporés » ou « éradiquer ». Les associations demandent que les Conseils Départementaux les prennent en charge pendant leur recours auprès du juge pour enfant. Exiger leur scolarisation.
Manifester pour rendre visible l’indifférence ou l’hostilité des pouvoirs publics pour la question des migrant·es, faire des propositions obligeant l’État et ses institutions à répondre.
Exiger que les femmes et les hommes exilé·es soient au cœur d’un accueil digne : ils et elles ont un projet qu’ils et elles doivent pouvoir réaliser. Pour cela il est indispensable qu’ils et elles aient un habitat et des conditions de vie dignes. Ils et elles doivent être accompagné·es pour surmonter les traumas causés par leur départ du pays de naissance et les conditions souvent dramatiques de leur voyage.
Nos propositions rejoignent celles faites par plusieurs associations. Il faut maintenant nous organiser collectivement pour qu’elles soient prises en compte. En France, la loi Asile et Migrations doit être retirée et le nouveau projet de loi Macron/Darmanin 2 doit être abandonné. Nous, citoyen·nes solidaires, pouvons rédiger une nouvelle loi et la faire valider par un référendum citoyen par exemple. Nos expériences réunies, notre commune humanité, nous permettent une analyse politique de terrain, une technicité et une capacité créative. (Extraits de la brochure « De l’air ! Ouvrez les frontières »)
Quelques autres propositions des associations humanitaires
Les 10 propositions de France Terre d’Asile
Mettre en place une politique européenne d’asile et d’immigration réellement solidaire
Apporter une réponse durable à la situation à la frontière franco-britannique
Adopter un pilotage interministériel des politiques d’asile et d’intégration des réfugié·es
Mettre en place un accueil digne des demandeurs et demandeuses d’asile avec un droit effectif et immédiat à l’hébergement de tous
Améliorer l’accès à la santé des demandeurs et demandeuses d’asile et des réfugié·es
Investir dans l’intégration dès le premier jour
Sortir de l’impasse des étrangers et étrangères sans droits ni perspectives d’éloignement
Interdire la rétention des enfants
Défendre l’égalité de traitement et le principe de présomption de minorité des mineur·es isolé·es étrangers
Faciliter l’accès au séjour des mineur·es isolé·es étrangers et généraliser les contrats jeunes majeurs
Quelques propositions de Human Right Watch sur les mineurs non accompagnés
- Veiller à ce que les départements disposent de ressources suffisantes pour assumer leur mission de protection de l’enfance.
- Hébergement d’urgence d’au moins 5 jours pour les MNA en attente d’évaluation. Prolongation de l’hébergement si le mineur fait appel d’une réponse négative
- Respect de l’arrêté du 17 novembre 2016 du ministère de la justice qui encadre l’évaluation des MNA : l’apparence physique n’est pas un critère de majorité ; entretien mené avec neutralité et bienveillance ; actes d’état civil présumés valides ; pas d’entretien sommaire ; justification écrite de la décision.
- Pas de tests osseux présumés non fiables.
- Si un MNA cherche à déposer une demande d’asile : nommer un administrateur ad hoc.
- Respecter la décision d’un autre département : pas de nouvelle évaluation.
5 piliers de Médecins du Monde
Combattre les violences et les dangers du parcours migratoire.
Lutter pour le respect des droits fondamentaux des personnes exilé·es.
Favoriser un accès à la santé dans les pays de transit et d’accueil.
Réduire les insécurités sociales et administratives dans les pays d’accueil.
Œuvrer au développement d’une prise en charge des besoins en santé.
Cécile Leroux
(commission migrant·es d’ENSEMBLE!)