« JÎN, JIYAD, AZADI » : une nécessaire solidarité !
Des manifestations ont éclaté en Iran après la mort de Jina Mahsa Amini, une Kurde iranienne, décédée le 16 septembre 2022, après avoir été arrêtée par la « police des moeurs ». Elles se sont répandues au Kurdistan puis dans plusieurs grandes villes du pays, dont Téhéran et Mashhad.
Par Gilles Lemée – Le 13 septembre 2023
Le 16 septembre 2022, une jeune kurde iranienne, Jîna Mahsa Amini, originaire de Saqqez au Rojhilat (nom kurde du Kurdistan d’Iran), décédait dans un hôpital de Téhéran.
Le 13, elle avait été arrêtée par la « police des mœurs » de l’État islamique et tabassée dans un commissariat de police au motif que son voile laissait apparaître quelques mèches de cheveux. La même police annonçait son décès, tout laissant à penser qu’elle avait été assassinée par ses membres.
Un soulèvement populaire
Son assassinat a provoqué, de manière spontanée et inorganisée, un soulèvement populaire qui n’a cessé de s’approfondir.
Soulèvement qui fut, en premier lieu, celui des femmes iraniennes.
Soulèvement contre l’oppression physique, sociale, économique, culturelle, psychologique dont elles étaient et sont toujours victimes.
Soulèvement ô combien reflété par le slogan qui a fait le tour du monde en solidarité : « Jîn, Jiiyan, Azadi » (« femme, vie, liberté1https://fr.wikipedia.org/wiki/Femme,_Vie,_Libert%C3%A9 »).
Ce slogan n’est pas devenu le mot d’ordre du soulèvement par hasard. Il est issu d’une longue histoire des luttes sociales, héritage du mouvement des femmes kurdes du Kurdistan de Turquie (Bakur), sous l’impulsion notamment du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan).
Ce n’était pas la première fois que les femmes d’Iran se trouvaient à l’avant-garde de la contestation. Dès le 8 mars 1979, elles manifestaient contre l’adoption des lois de la charia limitant leurs libertés par le régime de Khomeiny au cri de « ni tchador, ni foulard ». Des lois qui faisaient ainsi d’elles, légalement et officiellement, de fait, des citoyennes de seconde zone.
Ce soulèvement initié par les femmes a été suivi et amplifié par la majeure partie de la population et c’est tout un peuple qui s’est dressé pour retrouver ses libertés bafouées depuis plus de 40 ans.
Extension de la contestation et répression
La contestation s’est étendue, déplacée, démultipliée.
Des sportifs, des artistes, des journalistes, etc. ont déclaré publiquement leur soutien. La jeunesse n’a pas été en reste : nombre de facultés ont été occupées.
Cette révolte de tout un peuple a dû faire face à une répression d’une violence inouïe (notamment au Kurdistan et également au Baloutchistan occidental), menée par le corps paramilitaire des « Gardiens de la Révolution » islamiste.
Depuis, elle n’a pas cessé. L’estimation des arrestations varie de 20 à 60 000 (dont 9 000 au Kurdistan), 540 civil·es tué·es (dont 137 kurdes) et plus de 8 000 blessé·es au seul Kurdistan.
Ebrahim Raïssi, président de la République Islamique, assume, sans honte, cette répression : « quiconque aura participé et incité au chaos et aux émeutes sera tenu pour responsable »…
La jeune femme assassinée s’appelait Jîna Amini. Les autorités iraniennes l’ont renommée autoritairement Mahsa parce que Jîna est un prénom signant son identité kurde.
Une spécificité du soulèvement
On touche ici une spécificité du soulèvement consécutif à l’assassinat : il s’est propagé très rapidement, particulièrement dans les territoires de certaines minorités ethniques, Kurdistan et Baloutchistan notamment, où l’administration d’État est très largement perçue comme « coloniale ».
Dans ces régions maintenues par le pouvoir dans un état de sous-développement chronique, la répression est permanente et violente. Les organisations kurdes clandestines jouent un rôle très important dans l’organisation, l’encadrement et le développement de la révolte (ce qui ne signifie évidemment pas que les populations perses soient inactives et la répression à leur encontre moins féroce qu’ailleurs).
Appel à la grève générale
C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre (et soutenir !) l’appel de six organisations politiques et syndicales kurdes d’Iran à déclencher une grève générale le 16 septembre, jour anniversaire de l’assassinat de Jîna Amini. C’est aussi l’anniversaire de ce qu’ils appellent la « Révolution Jîn, Jiyan, Azadi ».
Les signataires2HDKI (Mouvement Démocratique du Kurdistan d’Iran). Membre consultatif de l’Internationale Socialiste ; Komala, dont le sigle exact est KSZKI (Organisation Révolutionnaire du peuple ouvrier du Kurdistan), le plus souvent « résumé » en Parti communiste ; PJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan) – c’est le « Parti Frère » du PKK en Iran. Probablement le plus influent ; Sazimanî Xebat (Organisation de lutte du Kurdistan Iranien) ; PAK (Parti de la liberté au Kurdistan). Organisation nationaliste et séparatiste. A adopté ce nom en 2006. A combattu contre Daesh en Irak en 2014 et 2017, soutenue par les États-Unis à Kirkouk. Partisan d’un Kurdistan indépendant, contrairement aux autres partis ; Komeleya Zehmetkêsen Kurdistané (« Komala » des travailleurs du Kurdistan iranien). Scission du Komala en 2007, puis en 2023 après une brève réunification en 2022. appellent à faire du 16 septembre « un jour de grève dans tout le Kurdistan où tous les magasins, marchés, commerces et centres administratifs doivent rester fermés. Le peuple du Kurdistan (…) organisera des cérémonies de commémoration ».
Ils invitent « tous les peuples d’Iran [à] soutenir la grève du peuple du Kurdistan et à montrer leur soutien à la révolution « Jîn, Jiyan, Azadi ». Enfin, ils appellent tous les « cercles, militants et partis à l’étranger » à « soutenir la grève et à organiser des manifestations et des marches de masse pour attirer l’attention du monde sur la Révolution Jîna ».
ENSEMBLE! est solidaire de cette initiative et proclame son soutien au peuple iranien dans sa lutte contre la dictature qui l’opprime depuis trop longtemps !
ENSEMBLE! entend contribuer, de toutes ses forces, à la construction et à l’expression d’un fort mouvement de solidarité, politique, syndical, citoyen dans notre pays.
Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :
- Grève générale au Kurdistan iranien
- Iran : Non aux exécutions capitales !
- Solidarité avec la révolte des femmes iraniennes !
Notes
- 1
- 2HDKI (Mouvement Démocratique du Kurdistan d’Iran). Membre consultatif de l’Internationale Socialiste ; Komala, dont le sigle exact est KSZKI (Organisation Révolutionnaire du peuple ouvrier du Kurdistan), le plus souvent « résumé » en Parti communiste ; PJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan) – c’est le « Parti Frère » du PKK en Iran. Probablement le plus influent ; Sazimanî Xebat (Organisation de lutte du Kurdistan Iranien) ; PAK (Parti de la liberté au Kurdistan). Organisation nationaliste et séparatiste. A adopté ce nom en 2006. A combattu contre Daesh en Irak en 2014 et 2017, soutenue par les États-Unis à Kirkouk. Partisan d’un Kurdistan indépendant, contrairement aux autres partis ; Komeleya Zehmetkêsen Kurdistané (« Komala » des travailleurs du Kurdistan iranien). Scission du Komala en 2007, puis en 2023 après une brève réunification en 2022.