À propos de législatives à venir

Faire des pronostics en politique se retourne généralement contre leurs auteurs. Mais les forces de gauche devraient discuter de l’hypothèse d’une dissolution comme une possibilité concrète. Cela suppose donc de surmonter les divisions et les volontés de tracer des frontières infranchissables entre deux gauches, en particulier entre socialistes et insoumis.

À propos de législatives à venir

Par François Calaret. Le 2 mai 2025.

Ces législatives qui peuvent venir

Faire des pronostics en politique a peu d’intérêt et se retourne généralement contre ceux qui essaient de jouer aux oracles. Mais la façon dont on appréhende l’avenir et les différentes possibilités qui peuvent exister est révélateur de la compréhension de la situation politique et des points aveugles qui dominent implicitement les perceptions.

De ce point de vue, il est frappant de constater l’absence de discussion publique sur la possibilité d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée Nationale (légalement possible à partir de juillet 2025, un an après les précédentes).

L’aspiration à la stabilité…

Aucune des forces politiques ne semble y avoir un intérêt. La plupart sont focalisées, soit sur leur maintien au gouvernement, soit sur la préparation de l’échéance présidentielle de 2027, avec toutes les étapes préalables (légitimes par ailleurs) qui comportent les congrès des diverses formations politiques, annonces de candidatures… Les élections municipales de 2026 constituent également une échéance qui occupe les esprits.

Il existe par ailleurs une forte aspiration à la stabilité politique dans une partie de la population. C’est vrai notamment pour les milieux économiques dirigeants qui détestent, plus que tout, les incertitudes que peuvent entraîner une expression démocratique mal « encadrée ». Mais cela s’exprime aussi dans une partie des milieux populaires qui peuvent craindre de subir les contrecoups économiques du chaos politique, notamment dans un contexte de multiplication des menaces sur l’emploi, du risque de licenciements, sans compter une situation internationale pour le moins angoissante…

La conséquence de cette situation est le refus par les principales forces politiques d’envisager le vote d’une censure réelle du gouvernement Bayrou, qui amènerait sa chute et ouvrirait une nouvelle période d’instabilité.

… n’évacue pas le risque de crise

Mais le refus d’envisager de voter la censure a aussi un coût politique, en particulier face à un gouvernement Bayrou de plus en plus affaibli et impopulaire, qui doit mettre en œuvre dans les prochains mois une politique d’austérité pour redresser les finances publiques, préserver la politique de l’offre engagé par Emmanuel Macron, tout en évitant que le Rassemblement National et le Parti Socialiste ne le censurent. Sans compter les conséquences et rebondissements de l’affaire Betharam qui touchent directement le Premier Ministre ou encore l’issue de la pseudo « consultation » sur l’actualisation de la réforme des retraites qui est censée déboucher sur un vote à l’Assemblée.

Bref, il n’est pas sûr que les forces politiques qui souhaiteraient respecter le calendrier institutionnel, conforme à la Vᵉ République jusqu’à l’élection présidentielle de 2027, ne se trouvent pas bousculées une nouvelle fois. La situation du Rassemblement National, sous le coup de la condamnation de Marine Le Pen qui pourrait l’empêcher de se présenter en 2027, pourrait amener cette formation fortement déstabilisée à changer de stratégie : pourquoi ne pas faire le saut d’une expérience gouvernementale limitée et sous contrainte pour renforcer la respectabilité et la crédibilité du parti ?

Bien sûr, la dissolution de l’Assemblée Nationale relève en définitive d’une décision du président de la République et Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il s’y refuserait en toute circonstance. Mais là encore, une trop forte instabilité gouvernementale pourrait le contraindre à changer de point de vue.

En débattre et se préparer

De nombreuses incertitudes existent. Comme l’écrivait un romancier sur la vie politique : rien ne se passe comme prévu. Surtout, il est peu probable que la vie politique française soit un long fleuve tranquille jusqu’à l’échéance présidentielle.

L’enjeu pour les forces de gauche serait donc, pour commencer, de discuter de cette hypothèse comme une possibilité concrète. Si elles ne s’enferrent pas dans le scénario improbable d’une destitution d’Emmanuel Macron comme la France Insoumise l’avait défendu pendant quelque temps, elle dispose paradoxalement d’acquis importants pour mener une telle bataille. L’expérience de la campagne de juillet 2024, l’engagement du mouvement social, la structuration des collectifs locaux du Nouveau Front populaire, le programme du NFP constituent des points d’appuis essentiels. Même les discussions sur un ou une possible Première Ministre ne partent pas de rien !

Cela suppose par contre de surmonter une nouvelle fois les divisions et les volontés de tracer des frontières infranchissables entre deux gauches et en particulier entre socialistes et insoumis. De nouvelles élections législatives ne seraient cette fois pas un coup de tonnerre qui surprendrait toute la société, mais un exercice démocratique nécessaire face à une situation intenable. Elles ne seraient pas appréhendées de la même manière par les électrices et électeurs qui seraient confronté·es cette fois à la nécessité de mettre à fin à l’instabilité politique récurrente et donc de trancher plus nettement les enjeux d’orientation. Sans garantie de la netteté du résultat… Cela reviendrait presque à une inversion du calendrier entre Législatives et Présidentielles ! Ce qui illustre une fois de plus l’épuisement du système monarchique de la Vᵉ République et la profondeur de la crise politique française…




Lettre d’ENSEMBLE! n° 149

Lettre n° 149
du 01 mai 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : Un 1er mai de luttes ;
  • 4ème année de lutte pour les ex-GKN à Florence ;
  • Solidaires contre l’islamophobie ;
  • Non à la déportation des Palestinien.nes ! Stop à la guerre génocidaire ! Oui à la reconnaissance de l’État de Palestine ! ;
  • Consultation des adhérent-e-s d’ENSEMBLE!

Lettre d’ENSEMBLE! n°149 01-05-2025




Incitation israélienne au génocide

Gideon Levy pousse un cri d’alarme : « Le discours sur le génocide s’est répandu sur tous les plateaux de télévision, comme un discours légitime. Désormais, il faut dire :  tu tueras. Il ne reste plus qu’à débattre de qui doit être assassiné et de qui doit être épargné. »

L’incitation israélienne au génocide à Gaza s’étale dans les médias grand public

Par Gideon Levy. Publié le 27 avril 2025 par Haaretz. Traduit et publié par l’AFPS le 28 avril.

Il fallait s’y attendre : le discours a pris des allures néonazies. Les frontières sont tombées et le carnage a été légitimé.

Le député du Likoud, Moshe Saada, a déclaré sur la chaîne 14 qu’il souhaitait affamer une nation entière. « Oui, j’affamerai les Gazaouis, oui, c’est notre devoir. » Kobi Peretz, un chanteur relativement populaire, est convaincu que nous avons reçu l’ordre d’anéantir Amalek [l’ennemi juré de la Bible]. « Je n’éprouve aucune pitié pour les civils de Gaza, jeunes ou vieux… Je n’éprouve aucune pitié », a-t-il déclaré en couverture du magazine du week-end du quotidien Yedioth Ahronoth.

Saada et Peretz ne sont que des petits poissons, mais l’océan regorge de telles déclarations, que certains cherchent à mettre en avant pour flatter l’opinion publique. En Europe, une personnalité publique, qu’il s’agisse d’un législateur ou d’un chanteur, qui tiendrait de tels propos serait qualifiée de néonazie. Sa carrière serait stoppée net et, à partir de ce jour, il serait ostracisé à jamais. En Israël, de telles déclarations font vendre des journaux.

[…]

Pour lire la suite du point de vue de Gideon Levy…




Consultation des membres d’ENSEMBLE!

Consultation des adhérent·es d’ENSEMBLE!

La consultation des adhérent·es d’ENSEMBLE! sur le cadre politique de convergence en vue de construire une force politique commune avec L’APRÈS est close.

Chaque adhérent·e devait dire si – oui ou non – il ou elle approuvait le texte « cadre politique de convergence » (intitulé « Construisons une force commune ») qui servira de base à la construction d’une force politique commune avec L’APRÈS.

La participation a été de 77,87 %. Les réponses positives ont recueilli 81,06 % des suffrages exprimés contre 18,94 % de réponses négatives.

Les 24 et 25 mai, une Assemblée Générale de notre Mouvement sera amenée à prendre une décision au vu des discussions qui se poursuivent avec L’APRÈS.


Pour compléter, vous pouvez consulter le texte « Pourquoi nous nous organisons » auquel le document « Construisons une force commune » fait référence.




L’autre 8 mai 1945 – 80ᵉ anniversaire

Nous relayons l’appel « L’AUTRE 8 MAI 1945. 80ᵉ anniversaire pour la reconnaissance des crimes contre l’Humanité commis en Algérie par la France ». Cet appel – initié par M’hamed Kaki et Olivier Lecour Grandmaison – est signé par un large éventail de sensibilités. ENSEMBLE! invite à le faire signer encore plus largement.

L’AUTRE 8 MAI 1945.
80ᵉ anniversaire
APPEL POUR LA RECONNAISSANCE DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ COMMIS EN ALGÉRIE PAR LA FRANCE

Par le Collectif national pour la reconnaissance des crimes coloniaux (CNRCC).

Il est impossible de célébrer ce quatre-vingtième anniversaire de la victoire contre le nazisme sans vouloir arracher à l’oubli ce qui s’est passé en Algérie ce même 8 mai et les jours suivants.

Des manifestations pacifiques à Sétif, Guelma, Khératta et la région ont été écrasées dans le sang ; près 35 000 civils Algériens ont été massacrés par la police, la gendarmerie, les milices coloniales armées par les autorités locales, l’Armée Française, agissant sur ordre de l’exécutif. C’est au cours de cette répression massive que l’on a déploré à Sétif et aux alentours une centaine de victimes Européennes.

Amputer notre histoire commune par l’occultation de ce crime d’État ne permet pas à la France d’en finir avec la page coloniale de son histoire. Si, le 19 mars 2016, le président de la République, François Hollande, a reconnu que le système colonial en Algérie était « injuste » et « niait les aspirations des peuples à décider d’eux-mêmes », il faut aller plus loin en disant la vérité sur les massacres du 8 mai 1945. De même, le geste symbolique fait à Sétif en 2015 par le secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la mémoire, J-M. TODESCHINI, demeure très en deçà de cette demande.

Suite à la mobilisation du collectif en 2015, le conseil municipal de Paris a demandé à l’unanimité au chef de l’État de reconnaître ces massacres comme crimes d’État. Des vœux dans ce sens ont été adoptés par plusieurs villes, dont Rennes, Nanterre et Ivry-sur-Seine, et des plaques commémoratives de ces massacres existent dans plusieurs villes de France.

Le 14 avril 2015, un Collectif Unitaire pour la reconnaissance des crimes d’État de 1945 en Algérie (Sétif, Guelma, Kherrata) s’est constitué. Outre cette reconnaissance comme crime d’État, il demande : l’ouverture de toutes les archives, l’inscription dans la mémoire nationale de ces événements par le biais de gestes forts des plus hautes autorités de l’État et un soutien à la diffusion des documentaires relatifs aux événements dans l’Éducation Nationale comme dans les médias publics.

À l’occasion du 80ᵉ anniversaire de ces massacres, le 8 mai 2025, nous appelons à des rassemblements unitaires dans toute la France pour exiger la reconnaissance de ces massacres comme crime contre l’humanité et la satisfaction de ces revendications.

[…]

Pour lire la suite de l’appel et voir la liste des signataires…
Cliquez ici pour signer l’appel.




Une initiative de Lucie Castets

Lucie Castets a publié dans Libération une tribune appelant les partis de gauche et écologistes à se rencontrer pour discuter d’une candidature commune à la présidentielle de 2027 et de la méthode pour y parvenir. Elle propose un premier rendez-vous le 2 juillet. ENSEMBLE! répond d’ores et déjà présent !

Une initiative qui ouvre des perspectives

Par ENSEMBLE! Mouvement pour une Alternative de Gauche, Écologiste et Solidaire. Le 24 avril 2025.

Lucie Castets vient de publier dans Libération1https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/organisons-une-primaire-des-gauches-la-plus-large-possible-par-lucie-castets-20250423_IT7ZG7XVGRC33MI5WDAYIYZRMY/ une tribune appelant les partis de gauche et écologistes à se rencontrer pour discuter d’une candidature commune à la présidentielle de 2027 et de la méthode pour y parvenir.

On ne peut que partager le constat qu’elle dresse de la propagation rampante des idées néo-fascistes en France comme ailleurs et du danger que cela représente pour la démocratie. Les enjeux se posent bien en termes de menaces pour notre modèle social et de projet de société. C’est bien un appel à un sursaut unitaire de toute la gauche que constitue cette tribune.

Lucie Castets met en avant 3 conditions qui rendent la victoire possible :

  • Premièrement, s’appuyer sur un « socle programmatique partagé sur la base des travaux déjà conduits, qui présente une ambition claire et assumée de rupture avec la politique actuellement menée, notamment en matière de justice sociale, de protection de l’environnement, de préservation des libertés publiques et de lutte contre le racisme et l’antisémitisme », seul moyen « d’apporter les réponses adaptées aux défis et aux difficultés auxquelles notre pays fait face ».
  • En second lieu, associer étroitement ce qu’elle appelle les « actrices et acteurs de la société civile organisée ». Ce sont « ces associations, collectifs, syndicats, intellectuels, militants, etc [qui] nourrissent la gauche et les écologistes depuis des décennies » et qui sont les garants de la « connexion avec le terrain et les préoccupations de nos concitoyennes et concitoyens ». C’est aussi un élément majeur pour mobiliser à gauche, à l’instar de ce qui s’est fait en juin-juillet 2024.
  • C’est enfin l’existence d’une candidature commune nécessitant « d’élaborer, de manière collective, une procédure démocratique et transparente de désignation de la candidate ou du candidat ». L’objectif n’est pas seulement « de trancher la question de l’incarnation individuelle, mais aussi de faire émerger un programme et une équipe qui représentent l’ensemble des sensibilités de l’espace politique de la gauche et de l’écologie, soutenue par un collectif crédible et soudé ».

Quant à la méthode proposée pour y aboutir, elle reste très ouverte puisqu’elle envisage

  • soit une primaire – après les municipales de 2026 –,
  • soit un cycle de concertation entre les partis de gauche et écologistes,
  • soit une convention citoyenne « avec des représentants des partis, de la société civile organisée, mais aussi d’électrices et électeurs de la gauche, tirés au sort »,
  • soit toute autre modalité.

À l’évidence, l’initiative de Lucie Castets ouvre une perspective pour éviter les risques de division à l’élection présidentielle de 2027. C’est ce qu’attendent beaucoup de citoyen·nes qui redoutent une désunion qui ferait le jeu d’un RN loin d’être disqualifié par les déboires judiciaires de Le Pen.


Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :




Solidaires contre l’islamophobie

Solidaires contre l’islamophobie

Une personne priant dans la mosquée de Grand-Combe, dans le Gard, a été tuée vendredi de plusieurs dizaines de coups de couteau. Ce meurtre a été commis par un individu qui dit vouloir en commettre d’autres de ce type. Ce crime, certainement islamophobe, est d’une extrême gravité.

Cet acte est significatif du climat actuel dans la société. Il est permis par la montée de l’extrême droite, mais aussi par les dérives à l’encontre des musulman·es. Des dérives qui dépassent la seule extrême droite.

Par ailleurs, on ne peut qu’être effaré·es par la faiblesse des réactions du gouvernement – notamment de Retailleau – absent sur place. Il est pourtant si prompt à se rendre partout, sur tous les sujets.

ENSEMBLE! appelle à la solidarité avec les musulman·es. Nous participerons aux mobilisations organisées contre tous les racismes, en l’occurrence l’islamophobie.

  .

Bagnolet, le 27 avril 2025
ENSEMBLE!
Mouvement pour une Alternative de Gauche Écologiste et Solidaire


Le communiqué d’ENSEMBLE! est téléchargeable au format PDF




Libérez les prisonnier·ères de Kanaky

La révolte populaire Kanak débutée le 13 mai 2024 a été durement réprimée : une douzaine de morts, des centaines de blessé·es, plus de 3 000 interpellations. Le Collectif Solidarité Kanaky dont fait partie ENSEMBLE! exige la libération immédiate des prisonnier·ères politiques Kanak et l’abandon des charges retenues contre eux. 

Libérez les prisonniers et prisonnières politiques de Kanaky, défenseurs du droit à l’autodétermination de leur peuple !

Par Collectif Solidarité Kanaky. Le mercredi 23 avril 2025.

Le 13 mai 2024 a marqué le début d’un nouveau soulèvement du peuple Kanak. Cette révolte fait suite à plusieurs manœuvres de l’État français qui essaie de stopper le processus de décolonisation du territoire de la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) pour poursuivre une politique de colonisation de peuplement, et ce avec le passage en force de la loi sur le dégel du corps électoral provincial.

La CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), mise en place par une large coordination indépendantiste avait mené dès novembre 2023, des manifestations massives et pacifiques pendant plusieurs mois à travers tout le pays. La CCAT fait aujourd’hui partie du FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste).

La révolte populaire, durement réprimée, a fait une douzaine de morts Kanak, des centaines de blessé·e·s et plus de 3000 interpellations par les forces de l’ordre avec l’appui de milices racistes et coloniales. Malgré les appels à la désescalade, la CCAT a été accusée comme responsable de tout ce qui s’est passé à Nouméa.

[…]

Pour lire la suite de l‘appel du collectif Solidarité Kanaky…

Pour signer la pétition : https://chng.it/DLmTjBRmCq




Entreprises récupérées en Argentine

La récupération des entreprises par les travailleur-euses n’a cessé de croître, depuis la seconde moitié du XXe siècle en Argentine. Le nombre d’entreprises expropriées existant dans la région de Buenos Aires avoisine le demi-millier. Cependant, avec l’arrivée du gouvernement ultra-libéral de Milei, l’avenir de ces entreprises autogérées s’est obscurci.

Entreprises récupérées : la résistance de la classe ouvrière à l’ultralibéralisme en Argentine.

Par Andres Ruggeri. Entretien avec Andrés Ruggeri réalisé par le sociologue Damián H. Cuesta, pour l’Instituto de Ciencias Económicas y de la Autogestión (ICEA) dans l’État espagnol, publié par Briega le 2 décembre 2024 qui a été traduit et publié le 27 février 2025 par le site de l’Association pour l’autogestion.

La récupération des entreprises par les travailleur-se-s (ERT) est un mouvement qui, depuis son émergence dans la seconde moitié du XXe siècle en Argentine, n’a cessé de croître et s’est étendu à d’autres pays des Amériques.

Selon les dernières données, le nombre d’entreprises expropriées existant actuellement dans la seule région de Buenos Aires en Argentine avoisine le demi-millier.

Cependant, avec l’arrivée du gouvernement ultra-libéral de Milei, l’avenir de ces entreprises autogérées s’est obscurci.

Au niveau de l’Institut des sciences économiques et de l’autogestion (ICEA), nous avons voulu interroger à ce sujet le professeur Andrés Ruggeri, directeur du Programme de documentation des entreprises récupérées, rattaché à la Faculté de philosophie de l’Université de Buenos Aires (UBA) et coordinateur des Rencontres internationales de l’économie des travailleuses et des travailleurs, dont la dernière réunion s’est tenue en octobre dernier (2024) à Barcelone.

Il est l’auteur du livre : « ¿Qué son las empresas recuperadas? Autogestión de la clase trabajadora », dont la dernière édition (2017) a été publiée en Espagne par la maison d’édition Descontrol et Syllepse en France2Ruggeri Andrés, Occuper, résister, produire – Autogestion ouvrière et entreprises récupérées en Argentine, Syllepse, Avril 2015, 190p. https://www.syllepse.net/occuper-resister-produire-_r_74_i_631.html.

Tout d’abord, pour nous mettre un peu en situation, de quoi parlons-nous lorsque nous parlons d’entreprises récupérées par les travailleurs (ERT) ?

Eh bien, le terme d’« entreprises récupérées » est apparu ici en Argentine autour de la crise de 2001, qui a été une conséquence de la période néolibérale que nous subissions depuis 1989 et qui a explosé en plein vol.

Pendant cette crise, une série d’occupations d’usines est apparue, qui a eu un grand impact sur l’opinion publique et, surtout, sur les organisations populaires de travailleur·euses qui ont vu comment un certain nombre de travailleurs occupaient des usines pour les remettre en production.

Ce phénomène a été qualifié par les protagonistes eux-mêmes, déjà à l’époque, d’entreprises récupérées par leurs travailleurs.

[…]

Pour lire la suite de l’entretien avec Andres Ruggeri…




Lettre d’ENSEMBLE! n° 148

Lettre n° 148
du 24 avril 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : Derrière la guerre commerciale. ;
  • Une initiative qui ouvre des perspectives ;
  • 26-27 mars : Solidarité avec l’Ukraine à Bruxelles ;
  • Recension : « guide du Havre colonial » ;

La Lettre d’ENSEMBLE! n°148 (24-04-2025)




Crise du projet d’émancipation

Selon Eugène Bedoc, nos organisations de gauche européennes survivent tant bien que mal. Face à la crise, les néo-libéraux conservateurs progressent partout et spécialement en Europe. Les gauches européennes d’aujourd’hui ont la responsabilité de faire face à la crise durable du projet d’émancipation. Il n’est que temps de s’y attaquer.

Pistes de travail et crise du projet d’émancipation

Par Eugène Begoc. Le 22 avril 2025.

Nos organisations de gauche européennes survivent tant bien que mal. Elles sont prises entre le devoir de transmettre un patrimoine d’expériences et un discrédit qui ne se dément pas3L’abus des plateaux TV et des mises en scène sur les écrans des téléphones met en lumière l’inévitable tendance des représentant·es à se distinguer de leurs représenté·es. . Nous avançons, de guingois, vers la fin de vie du moment néolibéral du capitalisme.

En réalité, nous nous sommes laissés prendre en étau au tournant des années 68.

Pratique néo-libérale

Le keynésianisme, dérivé de l’économie de guerre, venait d’assurer la reconstruction des villes et infrastructures européennes. Les groupes et cartels industriels nationaux béquillés par le plan Marshall et l’ouverture aux investissements directs étrangers substituaient aux seuls débouchés nationaux et coloniaux l’ambition de s’imposer à l’échelle du continent et au-delà. Les frontières s’abolissaient par le haut. La logistique industrielle et la production des composants et de leurs assemblages passait de l’échelle nationale à l’échelle continentale. Le néo-libéralisme, avant d’être une proclamation et une doxa, fut une pratique.

Évolution des formes d’État

Or, dans le même temps, les formes de l’État-nation connaissaient si peu d’évolutions que Prague, Berlin, Paris, Bologne… les atteignirent de plein fouet. La défaite des partis-États totalitaires nazis et fascistes contraignit les bourgeoisies nationales à respecter les formes parlementaires dans la zone de reconstruction nord-américaine. Ce, aux exceptions notables de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce.

Dès les années 60, sous couvert d’efficacité et de guerre froide, la suprématie de l’exécutif sur le législatif se renforçait partout.

Est-ce la crise des subprimes ? Le Brexit ? De portée comparable aux défaites de l’Axe (1944-47), aux révoltes des jeunesses étudiantes, ouvrières, immigrées et au début des longues marches féministes (les années 68), un troisième évènement fondateur a modifié le cours des évènements.

Une concurrence imprévue

Les cinq cents multinationales occidentales sont privées de l’appui du G7. Tous leurs régimes sont grevés d’un déconcertant populisme gouvernemental. Peu ou prou, les héritiers des initiateurs du néo-libéralisme moderniste – Giscard contre les sidérurgistes, Thatcher contre les mineurs, Reagan contre les contrôleurs du ciel – ont raté leur cible. Ils visaient l’excellence dans les processus à forte valeur ajoutée, déléguer à l’Asie et l’Inde les services et industries banalisables. L’élève vient concurrencer, depuis peu, le maître dans ses productions de prédilection (voiture électrique, réseaux de serveurs…).

La première conséquence en est la panique des états-majors politiques et entrepreneuriaux. Occupés aux yoyos des bourses, ils ont voulu ignorer que, les réserves de la nature étant épuisées, d’autres procédés devaient être explorés. Ils réalisent qu’il n’y a plus de masses humaines à prolétariser, que l’Afrique n’est en aucun cas l’atelier du monde d’après-demain.

Progression des néo-libéraux conservateurs

Alliés du premier jour des néo-libéraux modernistes, les néo-libéraux conservateurs montent au créneau presque partout et spécialement en Europe. Embarquer au passage les Le Pen et Meloni, leur permet de marquer leur intransigeance.

Résister à l’exploitation

La première piste de travail, dans cette situation, revient toujours et encore à agir dans les lieux et mécanismes d’exploitation. La situation est la même qu’il s’agisse des unités de production des multinationales ou de leurs innombrables sites de sous-traitance. Nous sommes en présence de systèmes de machines très intégrés, quasiment automatisés. Les équipes de mise en œuvre interviennent avec des compétences élevées.  Elles possèdent des tours de main éprouvés, avec des connaissances pratiques et théoriques élevées.

Le niveau de compétitivité et de performance de ces équipes – largement composées de bac + 2 et d’ingénieurs – permet de s’attaquer frontalement aux transitions énergétiques et écologiques. C’est vrai pour la reconversion de l’industrie phare : fabrication des poids lourds et des automobiles. C’ets vrai aussi pour la rénovation énergétique du patrimoine bâti…

Des associations régionales – croisant compétences syndicales, universitaires et élu·es du suffrage universel – sont à initier. Leur but : expérimenter, filières par filières, des reconversions viables. Le passage aux 32 heures est, dans cette voie, un point de passage essentiel pour atteindre cet objectif. Il est indispensable pour en finir avec le choix de la mal formation et du chômage de masse.

Revisiter la démocratie représentative

Toujours dans la voie de la rénovation de cette démocratie de représentation, nous avons à nous attaquer à la déshérence du parlementarisme occidental.  Il faut donner toute sa place au tissu des partis, syndicats et associations en l’articulant à des moments de démocratie directe. Le droit à la représentation est indissociable de l’exercice plein de la citoyenneté, résident·es non nationaux·ales inclus·es.

Le droit de réunion, de manifestation, les droits d’expression passent aujourd’hui par de nouveaux moyens. D’abord l’arrêt des subventions aux organes de presse sous la mainmise des holdings financiers et leur redéploiement vers les médias libres. Ensuite, l’expérimentation d’outils de communication transversale alternatifs aux plates-formes oligopolistiques…

Les assemblées élues – du conseil municipal aux parlements nationaux et européens – doivent être restituées dans leur fonction irremplaçable. La délibération publique peut aller jusqu’à la présentation au suffrage universel des lois les plus décisives. De même, les indispensables fonctions d’exécution devraient être bornées dans leur nombre et leur durée. Une demi-mandature au plus – y compris pour l’emblématique fonction de maire – serait suffisante.

Réinventer l’humanisme

Aucun intérêt de classe, aucune conscience de classe n’épuise les besoins d’appartenance à une communauté de destin et à des communautés affinitaires. L’autarcie, le souverainisme sont des poisons mortels qu’infusent chaque jour les néo-conservateurs. La solidarité avec les peuples kanaks, palestiniens et ukrainiens est un impératif pour qui veut combattre les tendances mortifères de ce moment de dégénérescence du capitalisme.

Et nous, Européens, nous ne pouvons pas oublier qu’avant même le nazisme, nos religions et nos États ont spolié et pourchassé les diasporas juives. En même temps, ils ont élevé l’islamophobie au rang de doctrine pseudo scientifique – l’orientalisme – pour coloniser l’Afrique et le Moyen-Orient. Le respect des minorités est au fondement de l’humanisme à réinventer.

Les gauches européennes d’aujourd’hui ont la responsabilité de faire face à la crise durable du projet d’émancipation. Il n’est que temps de s’y attaquer en commençant par le soutien et le développement des assemblées citoyennes de gauche dans la préparation des élections municipales de 2026.




Tunisie : un assassinat judiciaire

Le 19 avril, de lourdes condamnations ont été prononcées, dans le cadre de l’« affaire du complot contre la sûreté de l’État ». Ce procès visait non à établir la vérité, mais à écraser l’opposition. Quelle justice dans un État où le droit devient l’outil de la vengeance politique ?

Le Président SAIED enterre ce qui restait de liberté démocratique en Tunisie

Par le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie – CRLDHT. Publié le sur le site du CRLDHT.

4 h 55 du matin, une heure où les consciences sommeillent et où les regards sont ailleurs, l’agence officielle Tunis Afrique Presse (TAP) publie une dépêche sobre, presque banale, pour annoncer ce qui restera sans doute comme l’un des moments les plus sombres de l’histoire judiciaire tunisienne récente. Une série de condamnations lourdes, frappant une quarantaine d’opposants politiques dans le cadre de la désormais tristement célèbre « affaire du complot contre la sûreté de l’État ». Cette heure n’a rien d’innocent : elle signe le triomphe du secret, de l’ombre, de la dissimulation.

Ce verdict nocturne, tombé comme un couperet dans un silence assourdissant, parachève un simulacre de procès, où tout aura été fait pour effacer les dernières traces de l’État de droit. Tout y est : une instruction viciée menée par un juge désormais fugitif, des preuves absentes ou farfelues, des témoins anonymes au passé judiciaire douteux et surtout, une justice tordue sous la férule d’un pouvoir exécutif aux abois.

La tenue du procès à distance, imposée par une décision administrative illégale et en violation de l’article 141 bis du Code de procédure pénale, a empêché toute confrontation directe entre les prévenus et leurs juges. Leurs visages ont été effacés du prétoire, leurs voix étouffées, leurs avocats privés de la possibilité d’exercer efficacement leur mission. Une justice sans les accusés : voilà le vrai complot.

[…]

Pour lire la suite de l’article du CRLDHT…




Condamnation du RN : débattre du fond

Neuf députés européens du RN et 12 assistants parlementaires ont été condamnés pour détournement d’argent public au profit de leur parti. Pour François Calaret, il s’agit là d’une certaine conception de la politique, de l’éthique et de l’usage de l’argent public. Ces questions ne sont ni anecdotiques ni mineures.

Condamnation du RN : débattre du fond

Par François Calaret. Le 13 avril 2025.

Réactions du RN

Deux semaines se sont écoulées depuis la condamnation de neufs députés européens du RN et 12 assistants parlementaires pour un système de détournement d’argent public au profit de leur parti. Après avoir crié au complot et au procès politique visant à l’empêcher de gagner la présidentielle de 2027, Marine Le Pen semble vouloir remettre son parti sur les rails de la présidentialisation en pariant sur un « trou de souris » qui lui permettrait d’échapper à une condamnation définitive.

Confusion à gauche

À gauche, les réponses ont été diverses. L’idée, notamment avancée par la France insoumise que « la décision de destituer un élu devrait revenir au peuple » revient à confondre légitimité et légalité.

Les mécanismes de révocation d’un élu (qui existent par exemple aux États-Unis) peuvent se débattre dans le cadre de contrepouvoirs démocratiques face à des représentants qui seraient considérés au cours de leur mandat comme illégitime par leur action.

Mais être condamné pour des actes illégaux est d’une nature différente. Cela suppose par ailleurs le respect du droit de se défendre, d’avoir un avocat, un procès équitable, ce que le référendum révocatoire ne prévoit pas, car il ne s’agit pas d’une procédure judiciaire.

De nombreuses autres voix à gauche ont souligné que le véritable scandale n’était pas l’exécution provisoire de la peine, mais la réalité des détournements de fond, tout en essayant de prendre la mesure du séisme politique que représentent la condamnation de la présidente du RN et son impact sur la situation politique.

Discuter des faits

Il peut donc être utile de discuter des faits eux-mêmes d’autant que d’autres affaires judiciaires, souvent de moindre ampleur, que le détournement quasi industriel opéré par le RN, ont touché d’autres partis politiques, que ce soit le Modem ou le PCF.

C’est une question qui dépasse le cas du RN et comme l’ont affirmé certaines personnalités politiques « tout le monde fait cela ».

Au-delà de la question de l’amélioration du « confort de vie » relevé par le jugement, le reproche principal est la rémunération via des fonds publics d’activités propres du RN en lieu et place du travail à réaliser dans le cadre de postes d’assistants parlementaires (qui deviennent des « emplois fictifs » comme l’a reconnu le dirigeant RN Wallerand de saint Just). La défense des dirigeants du RN s’appuyant sur le fait qu’il n’y a pas de séparation totalement étanche entre les activités militantes du RN et celles faites dans le cadre parlementaire. Tout cela se mélangerait dans une même bataille d’idées.

Qu’est-ce qui se joue dans cette question ?

Avant tout, une certaine conception de la politique, de l’éthique et de l’usage de l’argent public. Et il faut reconnaître que la gauche n’a pas toujours été à la hauteur des exigences de transparence et de cohérence dans le rapport aux institutions.

En effet, si on considère que les institutions sont corrompues, aux mains de la « classe dirigeante » ou de l’oligarchie », utiliser l’argent public pour développer l’activité d’un parti, qui bien sûr est censé être porteur des intérêts supérieurs des exploités et qui combat cette oligarchie, peut apparaître comme légitime. Bref, la fin justifie les moyens.

Céder à cette logique, tout comme d’affecter à l’usage d’un parti d’autres sources de financement public ou de moyens matériels auxquels les élus peuvent accéder, c’est faire une double erreur politique.

Éviter une double erreur politique

D’une part sur la conception qu’implique l’exercice démocratique d’un mandat électoral. Être élu, même d’opposition, fait accéder à un certain nombre de possibilités matérielles qui doivent être encadrées et soumis à contrôle public, sans naïveté par rapport à ce que sont les institutions aujourd’hui, leurs limites et leur partialité.

D’autre part, c’est sous-estimer la profondeur de la crise politique que de considérer ces questions comme anecdotiques ou mineures. La défiance des citoyens et citoyennes envers le monde politique s’enracine dans une perception aigüe, accumulée par des années de scandales, de renoncements de contradictions entre ce qui est dit et ce qui est fait par le personnel politique, qui pousse aujourd’hui à un haut niveau les exigences de transparence dans l’usage de l’argent public. Cette exigence touche toutes les forces politiques et c’est plutôt une bonne chose.

La gauche aurait tout intérêt à prendre la mesure de cette situation pour répondre aux enjeux de la crise politique d’aujourd’hui.




Lettre d’ENSEMBLE! n° 147

Lettre n° 147
du 17 avril 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : L’austérité toujours et encore ! ;
  • Ukraine : l’auto-organisation résistante ;
  • 17 avril : journée internationale de soutien aux prisonnier·es palestinien·nes ;
  • Une France à +4°C ? ;

La Lettre d’ENSEMBLE! n°147 17-04-2025




Lettre d’ENSEMBLE! n° 146

Lettre n° 146
du 10 avril 2025

Au sommaire :

  • L’Édito : Ne laissons pas le RN faire sa loi ! ;
  • Gaza : nouvelle phase de la guerre génocidaire ;
  • Pour armer l’Ukraine, nationalisation des industries d’armement ;
  • L’impasse nucléaire ;

La Lettre d’ENSEMBLE! n°146 10-04-2025