Les annonces de François Hollande exaucent les vœux du patronat, qui se retient à peine de crier sa joie, et emballent dans ces cadeaux une « politique de l’offre » qui a pourtant fait la preuve de sa totale inadéquation à la situation économique.
Qui a parlé de déprime des Français, quand la magie de Noël a encore produit tous ces effets enchanteurs ? Les petits yeux illuminés de bonheur de Pierre Gattaz, après la conférence de presse de François Hollande, sont là pour en attester. Bien sûr, comme tout enfant trop gâté, il ne sera jamais complètement rassasié et il continuera à réclamer toujours plus, toujours plus vite. Mais les déclarations du président de la République exaucent presque intégralement la longue liste au père Noël que le Medef avait adressée au gouvernement au mois de novembre sous l’appellation « pacte de confiance ». Le paquet cadeau a certes changé puisque la dénomination retenue est celle de »pacte de responsabilité » mais le contenu, lui, est une copie conforme.
« Accélération »… de la politique libérale
Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (ou CICE) avait été le cadeau phare de l’année dernière. En 2013, celui-ci a été équivalent à 4% de la masse salariale de l’entreprise hors salaires supérieurs à 2,5 fois le smic. En 2014, le taux est porté à 6%. Le gouvernement, lui même, a évalué à 13 milliards d’euros le coût du crédit d’impôt pour 2013 et à 20 milliards pour 2014. Et pour être bien sûr que cet allègement de charges soit sans contrepartie, le gouvernement avait annoncé, par anticipation, que l’utilisation du CICE ne serait pas contrôlé par l’administration fiscale.
Les annonces faites par François Hollande, mardi 14 janvier, indiquent une seule « accélération », celle de la politique libérale. Il s’agit d’abord de la fin programmée des cotisations familiales payées par les entreprises d’ici à 2017, qui représentent 5,4% des salaires. C’est une très ancienne revendication du patronat qui est ainsi satisfaite pour la bagatelle de 35 milliards d’euros. On ose à peine rappeler que ces allocations versées, pour l’essentiel, sous conditions de ressources, ont une fonction de redistribution sociale et de solidarité au bénéfice des familles les plus démunies. Ce cadeau sera financé par une baisse de 50 milliards d’euros des dépenses publiques… Cela tombe bien, c’était aussi une exigence du patronat. Cet engagement aura des incidences fortes sur les dépenses de l’État, c’est-à-dire sur le nombre des fonctionnaires et les moyens financiers des collectivités territoriales. C’est clairement dit : parmi celles-ci seront privilégiées, par des incitations financières, les métropoles, qui absorberont les départements dans leur aire géographique, et les régions sont invitées à se regrouper.
« Keynes tué d’une balle dans la nuque ! »
Pour la protection sociale, si les objectifs sont renvoyés à la compétence d’un Haut conseil du financement de la protection sociale, c’est la réduction des actes médicaux et des prescriptions de médicaments, entre autres, qui sont visées. Pourtant, en France, déjà un citoyen sur cinq renonce à se soigner pour des raisons financières. Une situation qui va donc inévitablement s’aggraver.
Une telle orientation a un nom, c’est une politique libérale.« Soutien tous azimuts aux entreprises par la réduction des coûts, la simplification des normes, la prévisibilité des règles. Le tout en vertu de ce vieux principale libéral repris par le Président : « L’offre crée la demande », écrit Libération. « Tout pour l’entreprise, rien pour les ménages ! Il fallait oser », reconnaît, admiratif, Le Monde. Mais c’est au Medef que la satisfaction est la plus évidente. Dans un tweet envoyé dès la fin de la conférence de presse, Geoffroy Roux de Bézieux déclare ainsi tranquillement : « La phrase la + importante de cette conf.de presse :  » c’est sur l’offre qu’il faut agir » ! Keynes tué d’une balle dans la nuque ! ». Léger et délicat.
Cette politique est pourtant contestée par des économistes, pas particulièrement radicaux comme Éric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévisions de l’OFCE : « C’est une politique de l’offre mais qui est financée par une politique de la demande négative. Pour le dire plus simplement, on transfère les charges qui pèsent sur les entreprises sur les ménages. Ce n’est pas une bonne idée, car le vrai problème des entreprises aujourd’hui ce n’est pas l’offre mais bien la demande. Les carnets de commande sont vides. Et comme on fait une politique de demande négative, on va encore diminuer la demande. Les carnets de commande vont donc se vider encore davantage. »
Les mesures d’austérité budgétaire annoncées sont celles qui ont échoué partout en Europe. Le résultat est connu d’avance : l’austérité conduit à la contraction de l’économie qui génère l’augmentation mécanique des déficits et du chômage. Du grand art.
Guillaume Liégard, publié sur le site de Regards.
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dim, 19/01/2014 – 20:09
Economie
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