Que va changer « la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République », s’interrogeait « Le Monde » dans un article rendant compte des propositions du président de la république lors de la présentation de ses vœux au monde de l’éducation.
Rien ! A-t-on envie de répondre dans un premier temps tant ces mesures annoncées semblent complètement à côté de la plaque au vu des problèmes de l’école, et semblent montrer combien, et le président de la république et la ministre de l’éducation, méconnaissent le travail des enseignants !
En effet à y regarder de plus près, il est étonnant qu’on propose d’inscrire dans les ensignements, ce qui existe déjà : « reconnaître le pluralisme des opinions, des convictions et des modes de vie, apprendre à construire du lien social et politique, développer le sens de l’intérêt général, de la participation à la vie démocratique comme le refus des discriminations, une éducation à l’information et aux médias est également prévue à compter de la rentrée », autant d’apprentissages qu’on peut trouver dans les différents programmes enseignés aux élèves. Mais au-delà des programmes, c’est dans le quotidien de l’école que ces thèmes sont abordés. Comment peut on imaginer un seul instant que les professeurs du primaire comme du secondaire n’abordent jamais les questions du respect, du refus des discriminations, de l’appréhension concrète du monde qui entoure les élèves (et donc du rôle des médias dans nos sociétés par exemple) pour le dire vite, du « vivre ensemble » ? Alors quoi, vacuité des propositions du président, mépris des enseignants qui n’exerceraient pas correctement leur métier ? Sans doute un peu des deux.
Mais avant tout dans leur déclaration respective, François Hollande et Najat Vallaud Belkacem, évitent de poser les vrais problèmes, ceux auxquels est confrontée l’école aujourd’hui. Ils ne font que répondre à ce qu’ils croient être les attentes de l’opinion en affirmant d’un ton martial la nécessité du retour à l’ordre et à l’autorité.
Quand les problèmes sont mal posés, les solutions apportées ne conviennent pas. Celle qui consiste à « rappeler et à affirmer les valeurs de la République » en contraignant, en punissant et en sanctionnant, en est l’exemple parfait. On peut faire signer le règlement intérieur par les parents et les élèves (ce qui se fait partout en début d’année par ailleurs), faire signer la charte de la laïcité, signaler ceux qui « dénigreraient les valeurs de la République », les sanctionner éventuellement par des travaux d’intérêt général (qui décidera d’ailleurs de la nature de ces travaux?), obliger les établissement scolaires à avoir un média (avec quels moyens humains et financiers?), la coercition n’a jamais été l’allié de la pédagogie.
Pour accompagner ce durcissement à l’école censé aider à rétablir « l’autorité des professeurs », le président et la ministre misent sur le rappel de commémorations et sur une journée de la laïcité le 9 décembre. Rappeler, marteler donc qu’il faut respecter, célébrer les rites républicains et les symboles de la République, comme la Marseillaise, la devise nationale et le drapeau tricolore. Nous voilà revenus à l’école de la troisième République. Et tout cela sans se poser de questions ? Sans interroger ce qu’est la République aujourd’hui et sa devise ?
Alors pour rassurer nos dirigeants, il faut leur apprendre que cette Répubique, on l’étudie, que sa devise on en parle, et qu’il est légitime que les deux soient interrogées. Car le fond du problème n’est pas l’irrespect d’une poignée de galopins qui ne s’émerveilleraient pas devant les rites républicains, ou l’incompétence d’enseignants ayant oublié eux mêmes les valeurs républicaines à tel point qu’ils ne les enseigneraient plus à leurs élèves. Non, le problème n’est pas là. C’est que la République censée promouvoir la liberté, la fraternité, l’égalité a quasiment oublié les deux derniers mots de sa devise. De quelle fraternité parle-t-on quand on continue à arrêter et à expulser des enfants sans papiers ? Encore en ce moment à l’heure où ces lignes sont écrites. Continuité de la politique entre la droite et le PS. Mais surtout comment peut-on parler d’égalité quand les inégalités sociales ne cessent de se creuser ?
Alors quand allons nous parler d’éducation pour de bon ? Quand allons nous aborder les vrais problèmes ?
L’école ne peut pas tout régler, surtout telle qu’elle est aujourd’hui. L’école révèle de manière exacerbée souvent les inégalités socio-culturelles et/ou de classe. L’école souffre des politiques libérales qui la mettent à mal depuis des années. Où sont les moyens humains et financiers pour que l’éducation puisse effectuer de manière correcte ses missions ? Il n’y aura pas 60 000 postes de créer dans l’Education Nationale, on est loin du compte actuellement, et il ne faut pas oublier que sous Sarkozy c’est plus de 80 000 postes qui ont disparu.
Mais en plus des moyens insuffisants, ces derniers sont fort mal répartis : ainsi un élève du XVIème arrondissement parisien bénéficiera de davantage d’encadrement qu’un élève du 93.
Et puisque dans sa déclaration, le Président parle d’aider les élèves en difficulté, il faudrait alors commencer à renoncer à la suppression des anciennes zones d’éducation prioritaires.
Ce dont a besoin aujourd’hui l’école, c’est d’un vrai projet émancipateur dans lequel auront toute leur place le développement d’un esprit critique, l’accès aux savoirs pour tous et toutes et l’apprentissage de la citoyenneté.
Myriam Martin