« Je ne change pas de position. Cette réforme entrera en vigueur à la rentrée 2016 ». C’est sous le signe d’une fermeté affichée que Najat Vallaud-Belkacem a placé sa conférence de presse de rentrée. Il n’est pas question de prendre en compte les avis divergents qui se sont fait entendre au printemps. Cette réforme du collège, qui poursuit le détricotage des cadres nationaux, dans la droite ligne de la réforme du lycée de Luc Chatel, sera mise en place à marche forcée.
Les faits viennent contredire les discours sur la prétendue vocation de ce projet à « contrecarrer la dégradation continue des résultats des élèves de collège ». Le renforcement de l’« autonomie » (c’est-à-dire de la gestion de la pénurie des moyens) attribuée aux établissements montre déjà ses conséquences néfastes dans les lycées. La carte scolaire porte de mieux en mieux son nom, tant l’éducation est vouée à être choisie « à la carte » par les un-e-s ou imposée par défaut pour les autres. L’offre de formation très différenciée entre localités entrerait en contradiction avec le parcours de chaque élève , avec toutes les difficultés que l’on imagine en cas de déménagement. Laisser toujours plus de pouvoir de décision et de liberté d’initiative au local quand celui-ci ne se voit pas attribuer les moyens nécessaires signifie de facto le creusement des inégalités entre élèves et entre territoires, comme l’a montré la dernière réforme des rythmes scolaires.
Les grands gagnants de cette réforme seraient les hiérarchies locales, autrement dit les « petits chefs ». La possibilité laissée aux chefs d’établissement de moduler la répartition des heures d’enseignement constitue une nouvelle étape de dérégulation du service public de l’Éducation Nationale. D’autant plus que le pouvoir de ces derniers ne cesse de croître. Ils peuvent maintenant rétribuer plus facilement les personnels censés coordonner et relayer les directives grâce à de nouvelles indemnités. Les marges de manœuvre sont plus grandes pour mettre la pression sur les enseignant-e-s et restreindre la liberté pédagogique.
L’un des enjeux de cette année pour le Ministère de l’Éducation nationale sera de réussir à ce qu’une partie de son personnel prépare activement l’application de la réforme sur le terrain. Une part importante des moyens conférés à la formation des personnels a été redirigée vers des modules de formation portant sur l’entrée en application du « nouveau collège ». Avec la nouveauté de l’enseignement de l’« enseignement moral et civique », on ne peut pas dire qu’un grand bol d’air frais souffle sur le milieu éducatif.
L’école n’est pas une entreprise et les élèves ne sont ni des boîtes à remplir de savoir, ni des ouailles auxquelles il faudrait inculquer les bonnes manières et le chemin de la pensée unique. Le nombre d’élèves décrocheurs devrait plutôt inciter à mettre en œuvre une toute autre pédagogie qui vise l’émancipation des jeunes, par le biais d’apprentissages intellectuels aussi bien que manuels .
Dans la lutte contre le cortège des réformes mettant en place une école répondant aux impératifs du « monde socio-économique » libéral, la bataille contre la casse du collège unique est un enjeu majeur. Tout le monde sent bien qu’un rebond du mouvement entamé au printemps permettrait de redonner espoir à toutes celles et ceux qui œuvrent pour une éducation émancipatrice. La journée de mobilisation du 17 septembre sera scrutée de toute part, tant son issue dira si ses opposant-e-s pourront accroître leur audience et continuer à mobiliser autour d’eux pour faire mentir Najat Vallaud-Belkacem dans son allocution du 25 août.
Barbara Toussaint et Denis Catelan