Une provocation, un affront, un passage en force visant à saper le moral et les velléités de contestation des opposant-e-s à cette réforme libérale : voilà comment qualifier la publication de ce décret au lendemain même d’une grève majoritaire.
D’autant qu’il s’agit de l’attaque la plus régressive contre le collège unique depuis sa mise en place. Un nouveau coup de force anti-démocratique qui nous rappelle l’utilisation de l’article 49-3 lors de l’imposition de la loi Macron en février dernier. À croire que c’était la seule manière de concrétiser ce projet impopulaire.
Depuis l’annonce de cette réforme, la communauté éducative a largement pris conscience de sa double nocivité. D’une part, sous couvert d’autonomie laissée aux collèges, les EPI et la modularité par cycle creuseront les inégalités entre élèves sur le territoire et aggraveront la mise en concurrence des établissements1. D’autre part, le renforcement du pouvoir des chefs d’établissement et des coordonateurs accentuera la mise au pas des équipes pédagogiques et finira d’introniser les « petits chefs ».
Face à l’impressionnante vague médiatique qui braque les projecteurs sur des aspects secondaires de cette réforme et a tendance à en occulter les véritables dangers , faisons entendre un autre son de cloche. Il s’agit de mettre en lumière ce jeu de ping-pong hypocrite entre la droite réactionnaire et le gouvernement, qui masque des coupes budgétaires sous couvert d’une réforme soi-disant égalitaire. En quoi un nouvel affaiblissement des cadres nationaux de référence permettrait-il de lutter contre l’échec scolaire ? Comment une interdisciplinarité imposée sans moyens et sans formation peut-elle faire partie de la solution à apporter aux problèmes des élèves ? La question de l’enseignement du latin, de l’allemand ou les programmes d’histoire servent aujourd’hui d’écran de fumée derrière lequel l’appauvrissement des contenus enseignés et la dénaturation du métier d’enseignant-e sont bel et bien présents. Communiquer auprès des parents d’élèves et du grand public est nécessaire pour faire échouer ce projet d’école libérale.
L’intersyndicale SNES-FSU, FO, CGT et Sud a proposé une journée d’action et de sensibilisation aux enjeux de la réforme auprès des parents d’élèves le jeudi 4 juin et appelle à une nouvelle journée de grève et de manifestation le 11 juin pour obtenir l’abrogation du décret. La mobilisation dans les établissements, par le biais de réunions, de blocages, de grèves et de manifestations, est incontournable. Construire un mouvement d’ampleur à la hauteur de cette offensive sans précédent est urgent. Il faut faire reculer un gouvernement qui abuse de son autorité. Seule une victoire contre cette attaque permettrait d’obtenir des avancées pour une école émancipatrice ; des moyens suffisants, des effectifs allégés, de la formation et du temps de concertation pour les personnels, un renforcement de la liberté pédagogique des enseignant-e-s, entre autres.
Valérie Cutter et Marc Préau.