Le dimanche 21 avril avaient lieu les élections au Parlement de la Communauté autonome basque (CAV). Pour la première fois, le Parti nationaliste basque (PNV) et la coalition de gauche indépendantiste EH Bildu sont arrivés ex æquo. C’est un résultat historique pour la gauche abertzale1Le terme « Abertzale » signifie « patriote », il désigne les personnes et les groupes se réclamant du nationalisme basque. Utilisé à l’origine par le PNV, il a ensuite été adopté par la gauche nationaliste, y compris ETA. Il a été progressivement assimilé à la gauche nationaliste. Le PNV préférant le terme « Jeltzale » en Euskadi2La communauté autonome basque (CAV) est communément appelée « Euskadi ». Ce terme définit géographiquement le périmètre de la la CAV qui comprend les trois provinces : l’Alava, la Biscaye et le Guipuscoa. C’est l’une des trois autonomies historiques reconnues par le gouvernement espagnol en 1979..Cet article reprend le titre et développe le communiqué publié par ENSEMBLE! le 23 avril.

Un résultat historique pour la gauche abertzale en Euskadi

Par François Caussarieu et Richard Neuville, le 2 mai 2024

Dimanche 21 avril avaient lieu les élections au Parlement de la Communauté autonome basque (CAV)3https://www.wikiwand.com/fr/Pays_basque_(communaut%C3%A9_autonome).

Un résultat historique

Pour la première fois depuis 45 ans, le Parti nationaliste basque (PNV)4Le Parti nationaliste basque (EAJ-PNV) a été créé en 1895, il est d’inspiration démocrate-chrétienne même s’il est devenu aconfessionnel en 1977. Il est interdit sous le franquisme. Il a été la force dominante en Euskadi depuis 1977 et a dirigé le gouvernement autonome entre 1980 et 2024, à l’exception d’une parenthèse de trois ans entre 2009 et 2012 au bénéfice du Parti socialiste d’euskadi (PSE-EE). Il est également présent en Pays-basque nord (Iparralde) et en Navarre. À Madrid, il a alternativement soutenu des gouvernements présidés par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et le Parti populaire (PP). Au Parlement européen, il siège au sein du groupe Renew. et la coalition de gauche indépendantiste EH Bildui5Euskal Herria Bildu est une coalition de gauche nationaliste et indépendantiste, créée en 2012, elle est présente en Euskadi et Navarre. Elle regroupe 4 organisations : Sortu (parti indépendantiste considéré comme l’héritier de Batasuna, créé en 2011), Eusko Alkartasuna (issu d’une scission du Parti nationaliste basque en 1986 et d’orientation social-démocrate), Aralar (parti politique socialiste et indépendantiste basque, appartenant à la gauche abertzale, mais opposé à la violence d’ETA, issu d’un courant critique au sein de Herri Batasuna (HB) puis de Euskal Herritarrok (EH)) et Alternatiba (formation politique de gauche, « radicalement démocratique, non violente et anticapitaliste » créée en 2009 proposant « une alternative sociale » « souverainiste et bascophile », ainsi que « féministe et écologiste »). Depuis 2020, EH Bildu est la 2ᵉ formation politique en Euskadi. Elle porte un projet indépendantiste au niveau de l’Euskal Herria (l’ensemble des provinces) mais également écologiste, féministe et social. Elle a obtenu six sièges aux dernières élections générales de 2023. Au Parlement européen, son député siège au sein du groupe GUE. sont arrivés ex æquo en obtenant 27 sièges chacun.

Si le PNV a obtenu un plus grand nombre de voix (35,2%), il perd 4 sièges, tandis qu’EH Bildu en gagne 6 et obtient un très bon score (32,5%), soit une progression de 4,9% par rapport à 2020. Si le PNV a annoncé une « victoire » parce qu’il reste en tête en termes de voix obtenus, il subit néanmoins une lourde défaite historique, car il disposait précédemment d’un avantage de dix sièges.

Les partis nationalistes et indépendantistes

Ce résultat est historique pour les partis nationalistes et indépendantistes qui obtiennent ensemble, 72% des sièges au Parlement de la CAV (54 sur 75) et 67,7% des voix.

Bien plus encore : EH Bildu l’emporte dans deux provinces sur trois (Gipuzkoa, Alava) avec une progression de deux sièges. La coalition arrive en tête dans 159 communes sur les 250 de la communauté contre 90 seulement pour le PNV. En 2020, le PNV était en tête dans 142 communes contre 106 pour EH Bildu. C’est une évolution spectaculaire pour la gauche abertzale. De son côté, le PNV reste en tête dans son bastion historique, la province de Biscaya (Bilbao), mais perd un siège. Il est devancé par son rival dans 51 communes sur 111, soit 46% d’entre elles, dont la ville de Gernika, haut lieu symbolique du nationalisme basque et fief du PNV depuis plus de 100 ans.

Les partis confédéraux et nationaux

Du côté des partis confédéraux, après avoir mené une campagne virulente la dernière semaine contre le jeune tête de liste d’EH Bildu, accusé de soutenir ETA, le Parti socialiste d’Euskadi (PSE) progresse légèrement en obtenant 12 sièges (+2), tout comme le Parti populaire (PP) avec 7 sièges (+1) et Vox conserve son unique siège.

Les partis nationaux ont principalement récupéré des voix dans les communes dominées par le PNV et dans la partie de l’électorat moins nationaliste. Podemos et Sumar qui se présentaient séparés à cette élection sont lourdement sanctionnés. Podemos perd les six sièges qu’il détenait et Sumar n’en gagne qu’un. Les voix de la gauche radicale se sont reportées très largement sur les listes d’EH Bildu, qui a mené une campagne sur les questions sociales et la défense des services publics et notamment la santé.

Un nouveau paysage politique

Comme il était prévisible après les élections municipales et générales de l’an passé, cette nouvelle échéance électorale a configuré un nouveau paysage politique en Euskadi avec :

  • une percée importante d’EH Bildu qui étend désormais son influence sur tout le territoire, et qui est en position de gagner la majorité des municipalités dans les années à venir. Cela conforte sa stratégie prioritaire des dernières années axée sur les combats sociaux, le défense des services publics, mais aussi l’égalité, l’éducation, les droits des femmes et l’écologie.
  • un séisme politique même si la majorité absolue de 38 sièges reste éloignée pour Bildu. Le PNV va reconduire sa coalition avec le PSE pour la présidence de la communauté, avec une majorité réduite à 39 sièges (41 en 2020).
  • un immense espoir pour l’ensemble de la gauche indépendantiste. EH Bildu est majoritaire dans l’électorat des jeunes de 18 à 44 ans, pour lesquels ETA et la lutte armée appartiennent au passé.
Une alternative crédible

ENSEMBLE! a salué cet excellent résultat d’EH Bildu au Pays basque et l’alternative sociale, écologiste et féministe qui se dessine depuis quelques années en Euskadi.

De fait, la coalition de la gauche indépendantiste représente aujourd’hui une alternative de plus en plus crédible, 45 ans après le retour des élections démocratiques et 12 ans après l’abandon de la lutte armée par l’ETA.

Notes
  • 1
    Le terme « Abertzale » signifie « patriote », il désigne les personnes et les groupes se réclamant du nationalisme basque. Utilisé à l’origine par le PNV, il a ensuite été adopté par la gauche nationaliste, y compris ETA. Il a été progressivement assimilé à la gauche nationaliste. Le PNV préférant le terme « Jeltzale »
  • 2
    La communauté autonome basque (CAV) est communément appelée « Euskadi ». Ce terme définit géographiquement le périmètre de la la CAV qui comprend les trois provinces : l’Alava, la Biscaye et le Guipuscoa. C’est l’une des trois autonomies historiques reconnues par le gouvernement espagnol en 1979.
  • 3
  • 4
    Le Parti nationaliste basque (EAJ-PNV) a été créé en 1895, il est d’inspiration démocrate-chrétienne même s’il est devenu aconfessionnel en 1977. Il est interdit sous le franquisme. Il a été la force dominante en Euskadi depuis 1977 et a dirigé le gouvernement autonome entre 1980 et 2024, à l’exception d’une parenthèse de trois ans entre 2009 et 2012 au bénéfice du Parti socialiste d’euskadi (PSE-EE). Il est également présent en Pays-basque nord (Iparralde) et en Navarre. À Madrid, il a alternativement soutenu des gouvernements présidés par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et le Parti populaire (PP). Au Parlement européen, il siège au sein du groupe Renew.
  • 5
    Euskal Herria Bildu est une coalition de gauche nationaliste et indépendantiste, créée en 2012, elle est présente en Euskadi et Navarre. Elle regroupe 4 organisations : Sortu (parti indépendantiste considéré comme l’héritier de Batasuna, créé en 2011), Eusko Alkartasuna (issu d’une scission du Parti nationaliste basque en 1986 et d’orientation social-démocrate), Aralar (parti politique socialiste et indépendantiste basque, appartenant à la gauche abertzale, mais opposé à la violence d’ETA, issu d’un courant critique au sein de Herri Batasuna (HB) puis de Euskal Herritarrok (EH)) et Alternatiba (formation politique de gauche, « radicalement démocratique, non violente et anticapitaliste » créée en 2009 proposant « une alternative sociale » « souverainiste et bascophile », ainsi que « féministe et écologiste »). Depuis 2020, EH Bildu est la 2ᵉ formation politique en Euskadi. Elle porte un projet indépendantiste au niveau de l’Euskal Herria (l’ensemble des provinces) mais également écologiste, féministe et social. Elle a obtenu six sièges aux dernières élections générales de 2023. Au Parlement européen, son député siège au sein du groupe GUE.