Véritable parlement du Parti, le Conseil national du PCF s’est réuni le 9 septembre1Conseil national du 9 septembre. Trois points étaient à l’ordre du jour : la situation internationale, la rentrée politique et sociale, la Fête de l’Humanité, la campagne des élections européennes.

Sacré Boulet !

Par Le Rétif.02 2 Kikséti qui se cache derrière ce pseudonyme un peu prétentieux, demande Zazie ? Un électron libre, enragé, mal embouché, sans patrie ni frontières – sauf celles de l’Ukraine. Damned I am cooked ! – Le 23 septembre 2023.

Chacun s’accorde pour dire que la situation internationale est préoccupante. Jetons donc un œil sur le rapport présenté par Vincent Boulet, élu du 13ᵉ arrondissement de Paris, devant le conseil national du PCF, le 9 septembre dernier3rapport_vincent_boulet_092023.pdf.

La bataille pour la paix, nous dit-il, est pour le PCF une « bataille politique concrète ». En effet, par un effet d’« engrenage », le conflit ukrainien pourrait mener à une « généralisation de la guerre ». En effet, son hégémonie mondiale étant remise en cause, l’impérialisme « résiste et redessine ses outils ». Soit ! À un tel niveau de généralité, on se demande pourquoi Boulet n’a pas eu recours à la bonne vieille formule rhétorique qui veut que le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage.

L’impérialisme redessinant ses outils, il enchaîne tout de go, je vous le donne en mille, sur la guerre en Ukraine. Chacun aura compris à demi-mot que l’Ukraine est un de ces outils. Du haut de la butte-aux-cailles, l’ami Boulet porte un jugement définitif sur les opérations militaires en cours. La ligne est juste camarade, seuls les faits la contredisent. Le conflit s’enlise, nous dit-il. Sans doute, croit-il vraiment que Bakmout c’est Verdun : « Sur un front de 900 km de long, ni l’armée ukrainienne ni l’armée russe ne progressent significativement ». Prudemment, il ajoute « pour le moment ». On peut lui pardonner de ne pas suivre de près les événements. Sans doute pense-t-il que les membres de son parti ne méritent pas mieux que ses approximations de café du commerce.

Mais, évidemment, la ligne étant la ligne, il continue sur sa lancée en mettant les « dirigeants russes, ukrainiens et occidentaux » sur le même plateau. C’est vrai, tous pareils, tous pourris. Zélensky, Poutine, même combat ! On sent qu’il s’est retenu de crier « À bas les bourgeois » du haut de la tribune. Ensuite, passez-moi l’expression, il nous ressert la tarte à la crème sur le blocage des exportations agricoles dans la mer Noire qui menace le monde de famine. Ach, la guerre, gross malheur, mais motus sur la responsabilité de la Russie.

Au fait, c’est quoi le régime russe ? Bon, je sais, ce n’est qu’un rapport sur la situation internationale. En tout cas, Boulet, ne nous en dit rien. Au moins il est sûr de pas se tromper ni de fâcher personne. C’est pas fini. Accrochez-vous à votre clavier. La suite est un monument de fine dialectique. Comme la dialectique peut casser des briques, surtout si on se la lâche sur les pieds, je vais te la faire pédago pour être certain que toi, lecteur·rice, qui ne sait pas résister aux sirènes impérialistes, tu saisisses la substantifique moelle que distille le chef Boulet.

1) « En Russie, l’élimination de Prigojine […] tend à stabiliser les coordonnées du pouvoir à court terme dans la perspective des élections présidentielles de 2024 », même si, « la conjugaison de courants ultranationalistes [et] la contestation des choix du pouvoir […] reste palpable dans la société russe. » Vient ensuite le deuxième terme de la dialectique :

2) « En Ukraine, les purges [oui, purge, c’est le mot qu’il utilise. Faut oser non ?] soulignent l’importance de la corruption ». Conclusion : l’Ukraine ne remplit pas les critères d’adhésion à l’UE. Ouf !

Donc, pour résumer, à l’attention de ceux qui sont un peu durs de la comprenette : dans le même mouvement, il nous dit qu’en Russie, on va voter en 2024 et qu’en Ukraine, on purge ! Avoue que si je parlais des Sudètes comme il parle de la Russie, tu me trouverais un petit air de complicité. Ça me rappelle un truc qui n’a rien à voir et dont seuls quelques vieux cons se souviennent. Interrogé par un journaliste américain sur la violation des libertés en URSS, un Krouchtchev ou un Brejnev – je ne sais plus – répondit : « Et comment traite-t-on les Noirs dans votre pays ? »

Last but not least, Boulet se fait ensuite le défenseur des frères Kononovitch4Mikhail Kononovich, chef de l’aile jeunesse du Parti Communiste d’Ukraine, et son frère jumeau Aleksander sont accusés par le SBU (Service de sécurité d’Ukraine) de travailler pour les services de renseignement russes et biélorusses, d’authentiques « communistes » ukrainiens, et du célèbre pacifiste ukrainien Iouri Tcheliatchenko5Ce chercheur vit à Kiev et est le président et, semble-t-il, le seul membre du Mouvement pacifiste ukrainien. Voir « Une visite aux socialistes, anarchistes, syndicalistes et féministes à Lviv » – dont j’ai déjà parlé ailleurs –, dont tout le monde sait – grâce aux services américains, dirait Annie Lacroix-Riz – que ce sont des hommes liges du Kremlin. Qu’importe ! Dénonçant quand même la répression en Russie, le rapporteur nous assène une autre leçon qui résume tout : « Le PCF réaffirme sa solidarité avec les forces progressistes et pacifistes en Ukraine et en Russie qui luttent contre la guerre et contre l’autoritarisme. » Et voilà la sauce est prête, y’a plus qu’à déguster.

La suite vaut également son pesant de troubles. Boulet Vincent nous rappelle que la France doit « agir sur la base des principes de la charte des Nations unies, de la souveraineté des peuples et de la sécurité collective » pour donner des garanties « réciproques de sécurité assurant une paix durable. » C’est vrai que, après avoir échangé unilatéralement et volontairement son armement nucléaire contre du vent de la steppe, l’Ukraine devrait sans aucun doute abandonner – encore un effort camarades – la Crimée et le Donbass. En plus, cerise sur les zakouskis, elle devrait accepter un « statut de neutralité ».

Souveraineté, oui, mais limitée. Droits de peuples, oui, mais pas trop. L’ami Boulet avoue qu’en la matière, il ne faut pas « mettre des œillères ». Les élections européennes étant au bout de la lorgnette, cette question « sera au cœur de nos priorités », ce qui « implique de répondre aux arguments que les partisans de la poursuite de la guerre jusqu’à une hypothétique victoire ukrainienne nous opposent ». La paix, conclut-il, est donc une bataille politique centrale : « Contre les concurrences capitalistes impérialistes, il s’agit d’une bataille sociale, car les inégalités sont les moteurs et les conséquences des guerres », il s’agit « d’une bataille écologique du fait des désastres écologiques des guerres » – il évoque l’explosion du barrage de Khakovka qui a, c’est bien connu, pété tout seul. Enfin, « il s’agit d’une bataille démocratique et en faveur de la souveraineté et de l’autodétermination des peuples, pour leur émancipation ».

Avec ou sans œillères ?


Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :

Notes
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  • 2
    Kikséti qui se cache derrière ce pseudonyme un peu prétentieux, demande Zazie ? Un électron libre, enragé, mal embouché, sans patrie ni frontières – sauf celles de l’Ukraine. Damned I am cooked !
  • 3
  • 4
    Mikhail Kononovich, chef de l’aile jeunesse du Parti Communiste d’Ukraine, et son frère jumeau Aleksander sont accusés par le SBU (Service de sécurité d’Ukraine) de travailler pour les services de renseignement russes et biélorusses
  • 5
    Ce chercheur vit à Kiev et est le président et, semble-t-il, le seul membre du Mouvement pacifiste ukrainien. Voir « Une visite aux socialistes, anarchistes, syndicalistes et féministes à Lviv »