Après avoir perdu leur combat contre le mariage pour tous, ses opposants conservateurs politico-religieux s’attaquent au dispositif « ABCD de l’égalité » à l’école primaire en brandissant la menace de la théorie du genre. Ce programme éducatif de sensibilisation à l’égalité femme/homme expérimenté dans 10 académies volontaires – dont Montpellier – est devenu leur cible prioritaire. A Montpellier mais aussi à Béziers, ils se mobilisent et, dans leur plus pur style propagandiste, ils utilisent leurs vieilles ficelles pour affoler les parents et les inciter au boycott des cours.
Désinformation, manipulation, obscurantisme.
Les organisations conservatrices, politiques et religieuses, n’en finissent pas de s’agiter. Après le mariage pour tous, ils se focalisent sur le dispositif « ABCD de l’égalité ». Dans leur plus pur style propagandiste, ils utilisent leurs vieilles ficelles : désinformation, manipulation, obscurantisme. Dès l’automne, des distributions de tracts ont eu lieu devant des écoles primaires comme à Celleneuve, La Paillade ou Fabrègues pour alerter les parents contre ce qui était appelé une expérimentation dangereuse pour la construction des enfants qualifiés de « cobayes d’expérimentation ». Il y était affirmé que les enfants visionneraient des sites pornos et qu’ils étaient poussés à l’homosexualité. Le contact indiqué sur ces tracts était les «Veilleurs », des catholiques intégristes, auxquels se sont ajoutés des intégristes musulmans lors d’un rassemblement à la Paillade.
Loin de relâcher la pression, un obscur collectif lance aujourd’hui « la journée de retrait de l’école » à travers tout le pays. Dans l’Hérault, c’était le 30 janvier. A l’aide de sms, courriels et grâce aux réseaux paroissiaux et associatifs, les parents sont incités à retirer leurs enfants de l’école une journée par mois pour protester contre « la théorie du genre et les cours d’éducation sexuelle avec démonstration dès la maternelle ». D’après le directeur général de l’enseignement scolaire, cette campagne manipulatoire est orchestrée par Farida Belghoul. Ancienne figure de la lutte des « Beurs » dans les années 80, elle est aujourd’hui proche de Alain Soral, extrémiste de droite, antisémite et ami de Dieudonné. L’agitation est signée. Selon le rectorat, cette action a touché 1 à 1,5 % des écoles de l’académie parmi lesquelles 15 à 20 % des élèves étaient absents. Un succès plus que relatif donc, d’autant qu’il est difficile de différencier les absentéistes des malades.
La théorie du genre est donc au centre de cette nouvelle agitation. Et pourtant elle n’existe pas ! Les ultras religieux, comme les catholiques d’Alliance Vita ou les Musulmans pour l’enfance, se mobilisent contre un fantasme de familiophobie. Refusant que tous les êtres humains puissent avoir les mêmes droits – et ceci à l’encontre de leurs propres dogmes religieux – ils se dressent contre la lutte des LGBT qui se battent pour les leurs. Ils jugent obscène la possibilité d’adoption pour les couples homosexuels ou la PMA (procréation médicalement assistée) alors qu’elles ne font pas partie de la future loi famille et la GPA (gestation pour autrui) alors qu’elle est interdite en France et qu’Hollande s’est déclaré contre. L’intérêt de cette agitation est donc ailleurs… Par la manipulation, l’intimidation et la violence, ils comptent imposer leur modèle familial traditionnaliste hétéro normé et patriarcal qui repose sur la complémentarité des sexes déterminée par la Nature et donc par Dieu. A cause de cette conception de la famille, ils rejettent également l’IVG (interruption volontaire de grossesse) et essaient régulièrement de la remettre en cause.
C’est aussi un moyen de mobiliser des troupes en période électorale  pour une droite sans vision et une extrême droite qui n’est pas jugée encore tout à fait présentable mais qui le devient.  Embusqués derrière ces manifestants propres sur eux, ils distillent une conception rétrograde et archaïque de la société basée sur la peur et la croyance. Et ça marche ! Du moins auprès de l’exécutif frileux qui nous gouverne ! Le gouvernement a annoncé ce matin qu’il remettait le vote de la loi famille sine die pour apaiser un mouvement qui s’excite sur des sujets qui n’y figurent pas !
L’ABCD de l’égalité, qu’est-ce que c’est ?
A la rentrée scolaire 2013, le ministère de l’Education nationale et le ministère des Droits des femmes, en partenariat avec le CNDP, mettent en place l’expérimentation « ABCD de l’égalité » dans les écoles primaires, sur la base d’un « rapport sur l’inégalité entre les filles et les garçons » qui affirme : notre école est sexiste. Il préconise un apprentissage de l’égalité : faire en sorte que « nos enfants cessent d’intérioriser dès le plus jeune âge les inégalités qui se forment entre les sexes » et déconstruire ainsi les stéréotypes de genre.
Ses objectifs sont de lutter contre les inégalités de réussite scolaire et d’orientation, agir sur les représentations des élèves dès le plus jeune âge et aider à la prise de conscience des préjugés sexistes dans et hors la classe. En effet, les inégalités de traitement, de réussite scolaire et de carrière professionnelle demeurent bien réelles entre les filles et les garçons. Les pratiques ordinaires dans la classe construisent des phénomènes souvent sexués, sans que les enseignants, les élèves et leurs familles en aient nécessairement conscience. Ces représentations qui relèvent souvent de préjugés et stéréotypes profondément ancrés, peuvent être la source directe de discriminations.
10 académies sont volontaires (600 classes) pour expérimenter ce programme parmi lesquelles, l’académie de Montpellier (45 classes). Il sera évalué tout au long de l’année et s’étendra à l’ensemble du territoire à la rentrée 2014.
Les professeurs qui expérimentent l’ABCD de l’égalité dans leur classe bénéficient d’une formation qui les aide à prendre conscience des préjugés et à transmettre une culture de l’égalité entre les sexes à leurs élèves. Ils bénéficient en outre d’outils pédagogiques et d’un accompagnement tout au long de l’année scolaire.
Les tracts qui ont circulé sur internet et qui ont été distribués à la sortie de certaines écoles de Montpellier et d’ailleurs dénonçaient l’idée que ce programme cherchait à brouiller voire à modifier l’identité sexuelle de leurs enfants. En fait, il les éveille aux valeurs d’égalité et de respect entre les filles et les garçons, valeurs essentielles pour éviter que ces enfants devenus adultes fonctionnent selon un rapport de domination sexiste facteur de discriminations et de violences dans l’espace professionnel et privé.
On est bien loin donc des allégations que l’on a pu entendre ici ou là dans les cortèges de la Manif pour tous.
Une théorie qui a mauvais genre
En fait, la pseudo théorie du genre évoquée par les opposants de la manif pour tous n’existe pas ; les études sur le genre, si ! Apparu dans les années soixante-dix,  le genre est un outil conceptuel utilisé par des chercheurs qui travaillent sur les rapports entre hommes et femmes. Quand apparait le terme « genre » sous la plume de Ann Oakley (sex, gender and society. Temple smith, 1972) apparait en même temps une approche de la réalité en termes de rapports sociaux de sexe plutôt qu’en termes d’une supposée « nature » qui règlerait les comportements et permettrait d’établir une hiérarchie entre les sexes. L’analyse « genrée » comme outil d’analyse de la société propose de questionner les constructions sociales du féminin et du masculin.
C’est pourquoi les femmes qui se battent pour leurs droits et les LGBT utilisent cette notion. C’est sans doute aussi pourquoi elle est si dérangeante pour tenants d’une société figée sur une norme patriarcale.
Depuis quelques années, mais avec une intensification ces derniers mois, l’Education Nationale fait l’objet d’une offensive sans précédent de la part des courants qui tout à la fois remettent en cause l’approche de genre, nient la réalité et la légitimité des familles homoparentales et veulent nous imposer leur vision de la famille traditionnelle comme la seule et unique référence.La perspective que proposent ces courants de pensée fortement liés aux églises et à leurs valeurs sur les questions de contraception, sexualité, déniant l’apport des connaissances scientifiques, n’a pas de légitimité dans l’école publique.
L’enseignement de l’égalité hommes-femmes est prévu par la loi depuis 1989 et le code de l’éducation : « Les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur […] contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière d’orientation. […] Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu’à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte. […] Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d’information sur les violences et une éducation à la sexualité. » Le gouvernement a poursuivi cette politique en intégrant la lutte contre les « stéréotypes » sur les hommes et les femmes.
En effet, on a souvent considéré la mixité comme un fait acquis, comme si le « vivre ensemble » allait de soi. Et pourtant, les représentations et stéréotypes à l’œuvre dans la société sur les rôles masculins et féminins se vivent et se transmettent à la crèche, à l’école, au collège et ailleurs. Travailler à l’apprentissage de l’égalité entre les garçons et les filles est une condition nécessaire pour construire, progressivement, d’autres modèles de comportement, basés sur le respect de l’autre à la fois « semblable et différent».
Nous serons donc présents samedi 8 février pour le rassemblement contre toutes les discriminations (14h, place de la Comédie). Nous viendrons faire du bruit pour dénoncer le climat délétère qui règne actuellement dans notre pays et pour afficher notre solidarité en faveur du respect des diversités.
Ensemble 34