Plusieurs universités mobilisées appellent à une journée nationale d’action le jeudi 5 mars dans l’enseignement supérieur et la recherche. Cet appel est à la fois le signe de la situation dramatique des universités et laboratoires et un espoir dans la convergence des résistances face aux politiques d’austérité.
Depuis des années, les gouvernements successifs cherchent à réduire les moyens des services publics et à les mettre au service des profits des entreprises privées. L’enseignement supérieur et la recherche ne font pas exception. Les politiques menées depuis une dizaine d’années, notamment sous Sarkozy et Hollande, ont posé les conditions d’une dégradation durable des conditions de travail et d’étude dans ce secteur¹. Ce sont les contre les conséquences de ces politiques qu’ils et elles subissent au quotidien qu’étudiants et salariés se mobilisent aujourd’hui dans différents établissements.
À l’université de Lyon-2, des étudiants de doctorat ou de master 2 chargés d’enseignement sous statut de vacataire (précaire) réclament depuis des mois un contrat de travail et leur salaire pour les cours qu’ils effectuent. Ils sont actuellement en grève et dénoncent également les classes surchargées, le matériel insuffisant… À Paris-8, les personnels de catégorie C sont en grève contre les bas salaires et exigent une augmentation. Bien souvent les personnels administratifs, en grand majorité des femmes, sont coincés au SMIC tandis que leur travail permet au quotidien de faire tourner l’université. À Paris-13, étudiants et personnels se mobilisent contre le budget insuffisant et notamment les suppressions de postes. À l’université Paris-Sud, c’est contre les suppressions de postes, de matières voire de filières, la baisse des crédits aux laboratoires…
L’austérité décidée par le gouvernement est appliquée dans chaque université et se traduit par une pénurie qui s’accentue chaque année. Il faut trouver de nouvelles économies², rogner sur les budgets, orienter la recherche en fonction des financements espérés, choisir des modes d’enseignement à bas coût (cours magistraux voire cours en ligne, examens par questionnaires), fermer des filières, réduire des services, remplacer des postes statutaires par des précaires… On estime pour l’année dernière à 130 000 le nombre de précaires dans l’enseignement supérieur et la recherche³. Particulièrement touchés par les suppressions de postes, les bas salaires et les dysfonctionnements divers, ces chercheurs, secrétaires, techniciens, informaticiens, cuisiniers, ingénieurs ou enseignants qui font pourtant un travail indispensable sont de plus en plus nombreux.
Cette situation qui se dégrade chaque année voire d’un semestre à l’autre a provoqué des résistances dans de nombreux établissements : rassemblements, mouvements de précaires, manifestations voire grèves prolongées dans quelques universités. Mais les mobilisations locales ont au mieux pu arracher une rallonge budgétaire temporaire, ne permettant pas une réelle amélioration de la situation. L’appel à une mobilisation nationale le 5 mars, issu d’universités mobilisées et repris par les syndicats étudiants et de salariés, est donc une occasion qu’il faut saisir. Si les causes immédiates peuvent différer d’un établissement à l’autre, si les acteurs peuvent varier (étudiants, personnels administratifs, précaires, chercheurs, enseignants…), les causes sont communes. Une convergence nationale est non seulement possible, mais elle est nécessaire face au niveau des attaques.
Le cas de l’université Paris-Sud est particulièrement intéressant. Le vote du budget de l’université en décembre a mis le feu aux poudres. Parti des enseignants de biologie, le mécontentement s’est étendu aux étudiants puis à une partie plus importante du personnel. À la fac d’Orsay particulièrement, qui avait progressivement perdu ses traditions militantes, la lutte s’est développée et s’est auto-organisée à partir d’assemblées générales et d’un comité de mobilisation regroupant étudiants et salariés, syndiqués et non-syndiqués. Cela montre aussi qu’une génération étudiante qui n’a pas connu les mouvements de la décennie 2000 peut se mobiliser et prendre en charge une lutte pour la défense de ses intérêts. Enfin une mobilisation à Paris-Sud est symbolique : réputée pour sa recherche et sa place dans les classements internationaux, qu’elle se mobilise et cherche la convergence avec les autres universités montre bien que l’austérité a atteint tous les campus et qu’il est grand temps de se battre tous ensemble.
Pour le gouvernement, l’austérité ne se discute pas. L’enseignement supérieur et la recherche (ESR) doivent s’adapter et se transformer suivant les politiques libérales. D’ailleurs il réfléchit déjà à s’attaquer aux fonds de roulement des établissements, à démanteler le CNOUS (qui coordonne les aides sociales, la restauration et le logement étudiants), à restreindre les aides au logement et à renforcer la sélection. D’autres choix sont pourtant possibles, comme récupérer les six milliards d’euros par an pris sur le budget de l’ESR et donnés au entreprises privées avec le crédit d’impôt recherche. Mais il faut pour cela s’attaquer à la racine des politiques d’austérité, c’est-à-dire un choix de société en faveur des plus riches. Et face à ces politiques et au gouvernement qui les impose, les luttes ne pourront pas rester confinées aux universités mais devront s’étendre à la majorité de la population.
Nicolas (Ensemble fac d’Orsay).
¹ Pour une analyse des transformations de l’enseignement supérieur et de la recherche ces dernières années et leurs conséquences, voir « Feu sur l’enseignement supérieur et la recherche » publié sur notre site en décembre.
² À l’université de Nantes, la faculté de langues avait envisagé de faire une semaine chômée, donc non-payée, pour réaliser les nouvelles économies exigées. Voir « L’Université de Nantes en mauvaise passe met à contribution ses employés les plus précaires », collectif PAPERA, février 2015.
³ « À Lyon-II, pas de salaire pour les vacataires », L’Humanité, 16 février 2015.