Deux initiatives anti-fascistes ont marqué le week-end des 11 et 12 novembre : une manifestation le samedi et des forums le dimanche. Nos camarades lyonnais ont largement œuvré aux succès de ces actions. Parmi les perspectives qui se dégageaient dès le dimanche, figuraient deux idées qui nous sont chères : remettre en avant la visée émancipatrice de la gauche et se persuader de la nécessité de l’unité malgré les divergences parfois fortes.
Un week-end antifasciste réussi à Lyon, les 11 et 12 novembre
Par Armand Creus. Le 14 novembre 2023
Préparé depuis un an par le «Collectif pour la fermeture des locaux fascistes », ce week-end de mobilisation et de réflexion sur l’extrême-droite d’aujourd’hui a été un succès qui fait du bien.

Les membres du Collectif pour la fermeture des locaux fascistes
Deux temps forts ce week-end
La réussite de la manifestation antifasciste de samedi 11 novembre de la place Bellecour à la place des Terraux
Y ont participé 3 000 manifestant·es jeunes, joyeux, combatifs dans un cortège entraînant avec tambours, drapeaux, fumigènes, gestuelle et slogans de la Jeune Garde. Des élu·es étaient présent·es, notamment de la France Insoumise et d’ EELV. Service d’ordre mixte et non « militarisé » remarquable et aucun incident malgré une forte présence policière*.
Des slogans antifascistes classiques, pour la fermeture des locaux fascistes, mais aussi contre l’antisémitisme, contre l’islamophobie, pour Gaza et la Palestine, avec prise de parole du Collectif Palestine69 présent avec une délégation.
Un appel à continuer la mobilisation spécialement de la jeunesse contre l’extrême droite et ceux qui lui déroulent le tapis rouge (particulièrement Darmanin avec sa Loi Asile Immigration) et appel à l’unité comme une priorité dans le moment actuel malgré les divergences dans le camp de la gauche.
Appel à poursuivre les échanges dans les ateliers des Forums Sociaux Antifascistes du lendemain.
Gros cortège de la « Jeune Garde » et d’autres plus petits : « pôles » des libertaires, du NPA, de la JC… Drapeaux de la FI, PG, PCF, UNEF, EELV, Alternatiba, Extension/Rébellyon, Unef. Quelques drapeaux CGT, FSU mais ces syndicats – contrairement à Solidaires – n’appelaient pas à la manifestation, privilégiant la journée de débats du lendemain. Des drapeaux palestiniens aussi.
Les camarades d’ENSEMBLE! ont pris toute leur part dans cette manifestation (présence au SO, derrière la banderole de tête, avec badges ou drapeaux).
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*La police aurait mieux fait de surveiller les groupes d’extrême-droite ultra-violents qui circulaient dès 18h dans le quartier du Vieux-Lyon et ont attaqué, une heure après, une Conférence sur la Palestine à coups de barres de fer, battes de baseball et mortiers d’artifice, faisant trois blessés légers sans avoir pu pénétrer dans la salle.
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Les forums sociaux antifascistes de dimanche 12 novembre à Villeurbanne de 10h à 18h : 1 000 participant·es
Le flyer d’invitation le rappelait : « Si Lyon est considéré comme un laboratoire de l’extrême-droite radicale, la situation s’est malheureusement détériorée sur l’ensemble du territoire, jusque dans nos institutions. À l’heure où l’extrême-droite tente de semer la confusion partout, avec la volonté de casser tous nos repères politiques et moraux, nous devons nous retrouver pour échanger, nous former, débattre. Il faut les connaître pour mieux les combattre. »
Mission accomplie, vu la centaine de participant·es, en moyenne, dont une écrasante majorité de jeunes qui ont participé à chacune des 8 tables rondes.
Le débat devant quelque 500 personnes, lors de l’intervention de clôture du Collectif, fut aussi un grand moment d’émotion et d’échanges de qualité.
Émotion, car en préalable à ce débat, un hommage émouvant fut rendu aux dizaines de femmes réfugiées, migrantes qui se retrouvaient à la rue avec leurs enfants depuis de longues semaines et même des mois.
Grâce à la création d’un « Collectif de femmes à la rue », elles ont occupé un étage du Centre Culturel de la Vie Associative la semaine dernière et sont en discussions avec la Mairie de Villeurbanne et la Préfecture du Rhône pour un relogement digne.
Le Collectif pour la fermeture des locaux fascistes les a invitées à venir sur scène (une dizaine d’entre elles) et à intervenir. Trois d’entre elles ont pris la parole pour exposer leur galère et leur espoir renaissant grâce au « Collectif de femmes à la rue » qu’elles remercièrent pour cela.
Au-delà des applaudissements nourris, une vague d’indignation et de colère contre leur accueil indigne et contre celles et ceux qui en sont responsables. Mais aussi un sentiment de fraternité, de sororité, de solidarité et d’envie de « faire quelque chose pour elles » a traversé tous les cœurs et les esprits présents et cette vague portera au-delà du moment présent, je pense.
Mise en perspective
C’était l’ambition du débat de clôture « Comment faire reculer l’extrême-droite et ses idées » animé par Marie Allenou (journaliste à RUE 89 Lyon). Étaient invité·es Edwy Plenel (Président et co-fondateur de Médiapart), Raphaël Arnault (porte-parole de la Jeune Garde ) et Saphia Aït Ouarabi (Vice-Présidente de SOS-Racisme).
« Je suis embêté d’intervenir en premier, car je ne veux pas vous démoraliser. Vous, ici, vous tenez la digue alors qu’elle est en train de craquer ailleurs. »
Ouvrant le débat, Edwy Plenel faisait allusion à cet incroyable devenu vrai, cet acte de « banalisation » majeur de Marine Le PEN et de son parti d’extrême-droite (raciste, xénophobe, inégalitaire, aux racines ancrées dans l’antisémitisme et le pétainisme) comme s’il était devenu un parti comme les autres. Car c’est bien cela le message qu’envoie l’acceptation du RN, ce 12 novembre, à la manifestation parisienne pour dénoncer l’antisémitisme, à l’initiative du président du Sénat et de la présidente de l’Assemblée Nationale.
Ne nous y trompons pas ! Sans attendre, les effets sont là, de cette absolution de la réalité de l’antisémitisme de Marine le Pen et du RN. Dès le lendemain, le 1ᵉʳ Ministre Edouard Philippe en rajoutait « je ne vois aucun inconvénient à manifester avec Mme Le PEN ». Et coup terrible… jusqu’à Serge Klarsfeld qui donne son aval !
Ne s’agit-il pas d’un vrai basculement ?
Comme le disait le jeune Raphaël Arnault, porte-parole de la « Jeune Garde » composante majeure de ce rassemblement antifasciste lyonnais, « c’est le règne de la confusion et de l’inversion des repères, il est temps de lui mettre fin ». Aussi, appelait-il, à travers ce combat crucial contre la menace fasciste, à ne pas baisser les bras, à ne pas « détourner le regard, à faire face ».
Et pour ce faire, à remettre aussi l’ordre des choses politiques à l’endroit : démontrer la visée émancipatrice de la gauche et de notre camp social et surtout se persuader de la nécessité de l’unité malgré les divergences parfois fortes. Ceci pour agir efficacement contre le fascisme et pour renforcer ou retrouver la confiance par la lutte collective.
Dans une vision moins pessimiste de la situation, convergeant en cela avec la vision de Saphia Aït Ouarabi de SOS Racisme, il s’inscrivait en faux contre la soi-disant « indifférence » et « apathie » de la jeunesse. Il estimait que, dans sa grande majorité, elle n’était pas dupe des discours dominants, qu’elle n’était pas raciste, mais en colère et restait disponible aux combats pour l’émancipation.
Cette journée a donc été aussi, de fait, une manière de « contre-exemple » et une sorte de riposte à l’agression de la Conférence sur la Palestine la veille par l’extrême droite ultra-violente. Elle se situait sur un terrain à l’opposé de la vision fasciste de l’humanité, de sa conception du « non-vivre ensemble en société par le racisme ».
Cette journée a montré la nécessité de promouvoir, à l’inverse, la construction d’une intelligence collective avec les autres dans toute leur diversité pour vivre en société, en opposition totale avec une conception de domination et de discrimination par la force brute et la haine de l’autre, de l’étranger·ère, du différent et de la différente.
Des bilans collectifs seront tirés prochainement de ce week-end antifasciste d’action et de réflexion encourageant préparé de longue date. Les enregistrements pourront peut-être permettre une diffusion des débats plus largement.
Les militant·es d’ENSEMBLE !69 ont été, là aussi, pleinement partie prenante, notamment dans l’animation de la table ronde sur l’extrême droite et la Loi Darmanin. Et, de nouveau, dans l’intervention à la séance finale pour présenter l’activité du Collectif pour la fermeture des locaux fascistes.
Le succès de ce week-end antifasciste à Lyon ne montre-t-il pas ce qu’il est possible de faire aussi dans d’autres villes ?
Et sûrement au plan national pour relancer une activité antifasciste permanente désormais indispensable face à la montée en puissance – sous des habits de gala – de l’extrême droite toujours fasciste du R-HAINE et de ses satellites ?
Pour illustrer les forums de week-end, nous vous proposons un reportage de Foutou’art1Foutou’art TV avec une interview de notre camarade Armand Creus :
Notes
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