53ᵉ congrès CGT
Un compromis collectif a été trouvé

Le 53ᵉ congrès de la CGT restera gravé dans les mémoires, et cela quelles que soient les positions défendues. L’avenir de la CGT, depuis 128 ans d’existence, se joue plus que jamais dans les conséquences de ce congrès. L’équipe très pluraliste du blog Syndicollectif, dont je fais partie, doit prendre le temps nécessaire pour mieux comprendre ce qui s’est passé. Cet article pose quelques repères.

Ce n’est pas la première crise que traverse la CGT depuis 1895. Elle a subi des scissions et des dissolutions, mais aussi porté des… (ré)unifications (1936) quand les exigences du temps bouleversaient les anciennes coordonnées. Nous sommes à nouveau dans un contexte où plus rien ne peut fonctionner comme avant, aussi bien pour la CGT que pour d’autres confédérations ou fédérations syndicales. Le mouvement social en cours le montre avec force. Le mouvement des Gilets jaunes avait été un signal d’alarme. Les caractéristiques inventives de la longue lutte contre le projet de Macron de retraite à points (fin 2019, début 2020) avait à la fois réhabilité le syndicalisme et montré la nécessité d’une recomposition des manières d’agir.

La CGT est confrontée à (au moins) cinq épreuves :

  • La crise écologique, et donc la transition énergétique et industrielle. Un siècle et demi de pratiques industrielles ont vu l’éclosion du mouvement ouvrier doublée de la fierté du travail. Alors où va la CGT ? Où vont nos métiers, nos emplois ? Telle est la racine de questions qui peuvent alimenter des angoisses ou oppositions.
  • La crise féministe qui décortique les pratiques virilistes ou met à jour des violences sexistes et sexuelles jusqu’ici restées cachées. La CGT doit réinterroger tous ses comportements.
  • La crise démocratique, avec des initiatives positives prises sans vrai débat, mais aussi la tradition du pouvoir symbolique du (ou de la) « secrétaire général » historiquement issu de la culture communiste. Comment imaginer que ce ne soit plus le cas ?
  • L’enjeu unitaire avec la construction d’une intersyndicale qui fait la preuve de son efficacité, mais aussi de rapprochements plus structurés avec la FSU et Solidaires, pour la première fois mis à l’ordre du jour.
  • L’affiliation internationale avec le retour pour certaines directions de structures de la référence à la Fédération syndicale mondiale (FSM) et sa rhétorique prétendument lutte de classe (en Iran ?). La CGT a voté la désaffiliation à la FSM à son 45ᵉ congrès de 1995. Retour en arrière de l’histoire ?

Face à ces enjeux (et d’autres encore), le congrès était traversé de trois sensibilités ou « courants » (en principe cela n’existe pas dans la CGT) :

  • Un courant motivé pour aller de l’avant en officialisant totalement les choix faits par la confédération depuis son précédent congrès (écologie, féminisme, ouverture unitaire). Et en élisant Marie Buisson (FERC CGT) comme secrétaire générale.
  • Un courant (qui anime le site Unité-CGT et qui l’assume clairement) de repli nostalgique sur une CGT rêvée qui avait cours dans les années 1950 du 20ᵉ siècle et dépendante de ses affiliations internationales (FSM). C’est ce que représentait la candidature d’Olivier Mateu de l’Union départementale des Bouches-du-Rhône.
  • Un courant mettant en avant la nécessité de « rassembler » la CGT, opposé à la gestion trop « verticale » de Philippe Martinez, mais au risque (pour gagner) de franchir une ligne jaune d’alliance de fait avec des partisans du courant Mateu (tout en n’étant pas pro-FSM). Ce courant était porté par Céline Verzelletti (membre du bureau confédéral sortant).

Dans les moments les plus décisifs, les partisan-es de la candidature de Marie Buisson ne sont pas parvenu·es, notamment au Comité confédéral national (les secrétaires de structures), à rassembler une majorité, même si cela s’est joué parfois à peu de voix. Olivier Mateu n’a pas été élu à la Commission exécutive (CE). Céline Verzelletti n’est pas parvenue non plus à rassembler.

Dans les dernières heures du congrès, une solution de compromis est apparue autour de la candidature de Sophie Binet secrétaire générale. Elle a une expérience déjà ancienne dans la confédération, notamment bien sûr dans l’UGICT CGT dont elle est secrétaire générale, et aussi dans la commission femmes-mixité. Mais elle a aussi une sorte d’autonomie vis-à-vis de Philippe Martinez qui ne l’a jamais soutenue. Le bureau confédéral de 10 personnes est au total très marqué par le poids des grandes fédérations (Laurent Brun par exemple, secrétaire général des cheminots, est élu administrateur) qui avait manifesté leur opposition ces derniers mois. Mais il n’y a aucun représentant du « courant FSM ». Il est question d’étoffer cette équipe d’ici à l’été.

Au total, un compromis collectif a été construit permettant d’éviter une crise plus dramatique, et, il faut le souhaiter, de reprendre les débats autrement.

Jean-Claude Mamet
Le 4 avril 2023


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