L’entrée de la Lettonie dans la zone Euro au premier janvier 2014 porte désormais à 18 le nombre de pays qui utilisent cette monnaie. Plus de cinq ans après le début de la crise des « subprimes », c’est aussi l’occasion de se livrer à une radiographie des situations gouvernementales dans ces différents pays. Tout au long de ces années, les politiques d’austérité, de réduction des dépenses publiques, d’ajustements structurels se sont exercés avec toute leur violence sous la férule de la Banque Centrale Européenne (BCE). Elections après élections, une règle s’est imposée, la défaite des équipes sortantes. A l’exception notable de l’Allemagne, presque chaque scrutin a donné lieu à un grand chambardement. Evidemment, il n’est question ici que du casting car sur le fond des politiques menées c’est en réalité la continuité des politiques libérales qui l’a emportée. Peu à peu une autre configuration se dégage et se généralise, celle des « grandes coalitions » regroupant principaux partis de gauche et de droite au sein d’un même gouvernement.
Dix sur dix-huit et encore !
Les alliances entre libéraux et sociaux-démocrates sont aujourd’hui une réalité dans dix pays de la zone euro (en jaune sur la carte). Pour les huit autres, une situation plus « classique » demeure avec quatre pays dirigés par un gouvernement de gauche (en rose pale) et quatre par des partis de droite (en bleu). Sans leur faire injure, il est toutefois raisonnable de considérer que cinq de ces huit pays ont une position assez périphérique dans la zone Euro. Par leur poids démographique, leur position géographique et leur histoire dans la construction européenne, l’Estonie, la Lettonie, la Slovaquie, Chypre et Malte (le point rose au sud de la Sicile) ne peuvent guère être considérés comme des éléments incontournables. Reste donc la France, l’Espagne et le Portugal et c’est tout.
Partout ailleurs des gouvernement de larges coalitions sont au pouvoir. C’est le cas notamment pour cinq des six pays fondateurs de l’Europe : Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et Italie. Dans ce dernier pays, la « gauche », on ose à peine utiliser ce nom, a fait alliance avec le parti de Silvio Berlusconi. C’est aussi la réalité politique de deux pays durement touchés par la crise comme l’Irlande ou la Grèce. C’est encore la situation pour des pays plus prospères comme l’Autrice et la Finlande. C’est enfin le cadre pour un nouveau venu sur la scène européenne comme la Slovénie.
Ce tour d’Europe de la bonne entente entre sociaux-démocrates et libéraux ne saurait s’achever sans une mention spéciale pour la commission de Bruxelles et le parlement européen. Depuis plus de trente ans, ces deux institutions ont été le cadre du consensus et de la convergence entre droite et gauche modérée. Traité de Maastricht, TCE, et même les politiques d’ajustements structurels face aux crises liées aux dettes souveraines ont été menés de concert.
La France pas si loin
Le quinquennat de François Hollande parti tambour battant, avec les 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations pour les entreprises du pacte de compétitivité et la casse du contrat de travail de l’ANI, vient de connaître une nouvelle accélération. La traditionnelle séance de vœux du Président de la République et plus encore la conférence de presse du 14 janvier ont suscité l’enthousiasme du Medef. On connaissait déjà la capacité du Parti Socialiste français a fournir des dirigeants aux grandes institutions libérales avec Pascal Lamy à l’OMC et Dominique Strauss-Kahn au FMI. C’est au sein même de la droite parlementaire française qu’il remporte désormais ses plus grands succès. De Jean-Louis Borloo prêt à soutenir le Pacte de responsabilité à Jean-Pierre Raffarin qui « n’exclut pas de voter la confiance » rien ne nous sera épargné. Les différentes déclarations de ministres socialistes ne prennent même plus la peine d’enrober leurs orientations par un vague discours social : « Nous avons d’emblée mené une politique réformiste, il nous faut maintenant entrer dans une nouvelle étape » vient de déclarer Pierre Moscovici.
Cette proximité entre la social-démocratie et les partis de droite ne relève pas de liaisons dangereuses mais d’un processus en voie d’achèvement qui conduit ces deux courants à être d’accord sur l’intégralité de la politique économique. Quelle que soit la situation, que le pays soit frappé de plein fouet par la crise mondiale ou qu’il soit plus préservé, les convergences sur les politiques à mener permettent désormais ces gouvernements de coalition. Ces politiques généralisés d’austérité partout en Europe nourrissent la progression de partis populistes, nationalistes et réactionnaires. Faire émerger une issue progressiste est plus que jamais une urgence.
Guillaume Liégard