Le meurtre – requalifié en assassinat – d’une infirmière par un patient de la psychiatrie remet, sur la scène médiatique, une avalanche de commentaires, comme un fait social majeur.
L’acte exige, évidemment, la réflexion soignante sur la prise en charge thérapeutique et ses limites. Mais, il est nécessaire de souligner, avec une étude d’Anne Lowell de 2010, que les crimes de malades mentaux restent exceptionnels, sept fois moins que dans la population dite normale.
Une campagne contre la psychiatrie publique
Une presse sensationnaliste ou d’extrême droite appelle, bien entendu, à un grand renfermement du fou comme étranger absolu de notre société. L’enjeu politique est bien la mise au pas de la psychiatrie publique et de ses pratiques de soins relationnels et institutionnels. C’est le secteur public de psychiatrie et son hôpital qui est visé.
La politique de réduction du soin à un facteur de rentabilité marchande et de son management s’impose à toutes les pratiques. Elle vise à réduire le soin à une analyse factorielle de bonnes pratiques de maîtrise et de contrôle sécuritaire du symptôme. Cela ne règle en rien la durée de la maladie de la subjectivité psychique.
Dans ce contexte d’instrumentalisation économiste et politique où l’accès aux soins est mis à mal par les restructurations permanentes, la crise est majeure. Elle amène des centaines de médecins, psychologues et infirmier·ères à démissionner à force de ne plus pouvoir faire leur métier réduit à la contrainte et à la contention généralisée des patient·es. Dans sa psychose, le patient meurtrier le rappelle en disant s’attaquer aux blouses blanches.
Un déni gouvernemental
La réponse gouvernementale est glaçante tant elle dénie la réalité de ces politiques gestionnaires de tri public-privé et ses propres responsabilités institutionnelles. Elle appelle à plus de contrôles d’isolement-enfermement, de contrôle social et de bracelets électroniques, comme dans les prisons.
Elle refuse une réelle politique de soin de service public pour l’inclure dans les recommandations de baisses des financements publics de l’Union Européenne. Le déni est ici cynisme. La perte du discernement est bien l’irresponsabilité pénale qui appelle à soigner et non le populisme pénal de l’emprisonnement. L’accès aux soins ne peut se réduire ni à un tri d’orientation, ni à la mise en observation contrainte de 72 heures à l’hôpital (véritable garde à vue de la Loi sarkoziste du 5 juillet 2010 qui est à abroger).
Pour une autre pratique clinique
L’alternative d’une pratique clinique humaine consiste à ne pas faire du délire une condamnation à perpétuité. Il s’agit de le traiter et de le stabiliser vers la guérison, par un accès aux soins d’accueil relationnel. Elle implique la continuité du soin institutionnelle avec son accompagnement social. Cela suppose, au-delà du traitement médicamenteux symptomatique d’apaisement, des soignant·es en nombre, à former au soin de la maladie subjective.
Le 25 mai 2023
Jean-Pierre Martin
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