Au moment où, dans la bataille de l’opinion, le gouvernement accumule les échecs, l’annonce de la baisse du chômage devrait être une bonne nouvelle. C’est d’ailleurs cette présentation élogieuse que relayent les grands médias, télé en particulier. Et chacun·e de mettre en avant la baisse de 3,8 % sur un mois et de 9,4% sur un an. Le chômage de longue durée diminue de 3,1% au quatrième trimestre et de 13,5% sur un an.

Doit-on dire « Bravo Macron pour cette avancée vers le plein emploi » ?

Dans cette opération de propagande, on ne parle que de la catégorie A (chômeur.euses à temps plein) en occultant les autres catégories : les chômeurs à temps partiel, les précaires qui galèrent de période d’emploi à période de chômage.

Comme nous l’avions écrit dans la brochure « Abolir le chômage, la précarité, la pauvreté »,  « 2 conceptions du chômage s’affrontent, 2 conceptions du travail et du rapport au travail salarié. Au final, 2 projets de société. Les « réformes » se fondent sur une conception singulièrement restrictive du chômage, depuis longtemps celle des libéraux, des sociaux-libéraux et d’Emmanuel Macron. » Dès lors, le plein emploi promis devient un plein emploi précaire pour au moins un tiers du salariat.

Ce que les experts gouvernementaux et ceux des grands médias « oublient » – ce halo de chômage et de précarité – est pourtant bien indiqué dans les publications officielles (voir par exemple DARES indicateurs janvier 2023 : demandeurs d’emploi au 4e trimestre). Les chômeur.euses en activité réduite courte augmentent de 5,2 % et en activité réduite plus importante de 2,3 %. par rapport au 3e trimestre.

Il n’y a pas de quoi pavoiser

Au total, la baisse réelle du chômage se réduit à 0,8 % et de 5,2 % sur un an. Car derrière ce chiffre qui semble indiquer une stagnation :

  • les inscriptions pour licenciement économique baissent de près d’un quart et les 1res inscriptions (jeunes) de + de 20%  par rapport à 2021,
  • les sorties de Pôle Emploi pour reprise d’emploi ne représentent que 1/5 des sorties. Elles sont en diminution sur un an de 30 %. Les sorties pour cessation d’inscription (46% du total) progressent de 16 % sur un an. Et moins de la moitié sont des reprises d’emploi non déclarées. Le reste sort du chiffrage des chômeur-euses pour erreurs de déclaration. Ce qui fait toujours entre 100 et 150000 chômeur-euses en moins !
  • forte augmentation des radiations sanctions sur le dernier trimestre (+10,4 % ) en application des consignes de répression du gouvernement de Macron,
  • seuls 40 % des emplois pour les chômeur-euses sont des CDI, mais presque la moitié des emplois précaires ((DARES résultats septembre 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/les-sortants-des-categories-a-b-et-c-de-pole-emploi-en-2018)),
  • le quart des emplois des sortants de Pôle Emploi sont des temps partiels (imposés pour 74 % d’entre eux). Mais 36 % des emplois féminins sont à temps partiels (73 % imposés) contre 17 % pour les hommes ((Ibid.)),
  • les sortant·es de Pôle Emploi ont des emplois en horaires atypiques : travail de nuit pour 14 % contre 9% pour l’ensemble des salarié·es ; travail du samedi pour 48 % (contre 65%) ; travail du dimanche pour 26 % (contre 19%) ((Ibid.)),
  • que ce soit sur 1 an ou entre les 2 derniers trimestres, ce sont les plus précaires des emplois qui augmentent le plus : +30,4 % et + 13,5% pour les chômeur.euses qui travaillent moins de 20 heures.
Précaire et pauvre aujourd’hui, retraité pauvre demain

Il y a donc persistance du basculement vers des emplois précaires, en particulier pour les emplois les moins qualifiés. Un nombre croissant de personnes voient leur échapper la mesure présentée comme sociale par Borne : la retraite minimum à 1 200€.

De plus, le pourcentage des non indemnisé·es continue de croître – c’est l’effet des mesures Pénicaud Borne – avec 58,6 % du total des chômeur-euses. En même temps, le montant des indemnisations, pour des centaines de milliers de personnes, baisse en moyenne de 17 % (de 40 % pour les plus défavorisé·es). Tout ceci réduit les droits à la retraite.

Bien évidemment, les femmes sont les grandes perdantes parce qu’elles sont les plus présentes dans la précarité (et le salariat pauvre).

C’est cette réalité-là que la réforme des retraites ignore. C’est vis-à-vis de celles et ceux-là que l’injustice est la plus forte… et la plus dramatique.
Mais est-ce étonnant de la part d’un gouvernement qui considère, comme l’a dit Borne, que :  « On récompense plus ceux qui ont travaillé toute leur vie que ceux qui ont moins travaillé. C’est la logique du système. » ?

La logique de leur système, c’est bien d’accentuer la précarité. Pour celles et ceux qui sont ainsi enfermé.es dans la grande pauvreté, ce sont les aumônes (et le travail bénévole forcé pour les personnes au RSA).

 

26 janvier 2023

Étienne ADAM


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