Mayotte vient de subir un cyclone comme il n’en a jamais connu depuis 90 ans. La violence de Chydo – c’est son nom – est due au réchauffement des eaux océaniques environnantes. Mais ce n’est pas la seule cause de cette catastrophe. Notre camarade Jean-François Le Dizès rappelle les responsabilités du colonialisme.
Mayotte : quand le colonialisme et le changement climatique se conjuguent
Par Jean-François Le Dizès. Le 17 décembre 2024.
Mayotte vient de subir un cyclone comme il n’en a jamais connu depuis 90 ans. La violence de Chydo, c’est son nom, est due au réchauffement des eaux océaniques environnantes. Comme quoi, il n’y a pas qu’en Espagne que ce dérèglement climatique se fait sentir. En trente ans, les catastrophes liées au climat ont été multipliées par trois selon Oxfam1https://www.oxfam.org/fr/changement-climatique-cinq-catastrophes-naturelles-qui-demandent-une-action-durgence#:~:text=Le%20nombre%20de%20catastrophes%20li%C3%A9es,quasi%2Dtotalit%C3%A9%20du%20XXe%20si%C3%A8cle. !
Même si le problème des émissions des gaz à effet de serres – responsables du réchauffement climatique – est un problème mondial, force est de constater que la politique énergétique menée à Mayotte est loin d’être écologique. En effet, comme il n’y a pour seuls transports en commun que les transports scolaires, l’automobile est le moyen de déplacement essentiel des habitants. Malgré l’ensoleillement et la ventilation que connaît l’île, les énergies solaire et éolienne ne sont pas développées. Conséquence : 95% de la consommation électrique est d’origine thermique2Mayotte (Wikipédia).
Le bilan humain va être beaucoup plus grave à Mayotte que dans l’île voisine d’Anjouan, appartenant à la République des Comores. La raison tient à la masse de logements précaires qui y sont montés.
En effet, le différentiel de qualité de vie entre Mayotte et le reste de l’archipel des Comores, induit par l’aide apporté par la métropole à sa colonie, provoque une aspiration de population du second vers la première. Ainsi, 48% de la population de Mayotte est en effet constituée d’étranger·ères 3https://fr.wikipedia.org/wiki/Mayotte.
Mais comme la politique du logement menée par l’État français a été extrêmement défectueuse, des bidonvilles ont poussé comme des champignons sur des terrains qui – comme j’ai pu le constater – étaient le plus souvent pentus. Plus de 100 000 personnes y vivaient au moment de l’arrivée de Chydo 4)https://www.liberation.fr/idees-et-debats/editorial/cyclone-chido-a-mayotte-climat-et-pauvrete-la-double-responsabilite-des-autorites-20241215_ER3H7KPHAFEU3J6KKVMS5OWTPE/(3).
À ce sujet, on ne peut que constater que l’opération Wuambushu – menée en 2023 par le Ministre de l’Intérieur de l’époque Gérald Darmanin – n’a absolument rien résolu ! En effet, cette opération policière consistait à supprimer ces logements « illégaux » précaires par l’expulsion de ses habitant·es. Bien au contraire : la chercheure Clémentine Lehuger analyse cette catastrophe comme l’accumulation de lourdes défaillances de l’État dans son article « Mayotte : les politiques d’exclusion ont-elles alourdi le bilan du cyclone ? ».
Force est de constater que les colonies françaises (Martinique, Guadeloupe, Kanaky, Mayotte, Guyane) sont de plus en plus nombreuses à poser des problèmes. Quand donc le gouvernement français vivra-t-il avec son siècle ?
La conclusion peut être empruntée à Mayotte : histoire coloniale, fractures sociales et désastre environnemental
Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en crise, où la misère humaine et les catastrophes naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – séismes, tornades, montée des eaux – ne sont que la face visible d’un effondrement plus global. Ils révèlent une vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales. »
Pour plus de détail sur Mayotte, je vous renvoie à mon compte rendu de voyage dans cette île en 2023 : « Mayotte : politique versus géographie ».
Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :
Notes
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- 3
- 4
- 5Professeur honoraire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)