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Le journal Les échos et la fondation Montaigne – tous deux proches du patronat – ont commandé un sondage à l’institut Elabe sur « Les Français, le déficit public et la réforme de l’Assurance chômage ».

Un sondage ne fait pas le printemps mais…

Par Étienne Adam, le 9 avril 2024.

Le consensus sur le dos de chômeur·euses…

Les résultats ont sans doute fortement déçu les commanditaires, c’est ce qui ressort des commentaires qui accompagnent la publication de ce sondage1https://elabe.fr/deficit-public-assurance-chomage/ : « Si cette mesure divise les Français – 52% d’entre eux sont favorables à la réduction de la durée d’indemnisation – elle semble pourtant délétère d’un point de vue économique. La réforme précédente ayant justement entériné un effet contra-cyclique intéressant dans l’indemnisation chômage dont nous ne mesurons pas encore pleinement les effets » écrit Lisa Thomas-Darbois, Directrice adjointe des études France.

L’article des Echos va plus loin : « Le projet de réforme de l’assurance-chômage annoncé par Gabriel Attal ne suscite l’adhésion que d’une courte majorité des Français En revanche, la taxation des plus aisés et des superprofits remporte une large adhésion, y compris dans l’électorat macroniste ».2https://www.lesechos.fr/economie-france/social/sondage-exclusif-les-francais-partages-sur-un-nouveau-durcissement-des-regles-du-chomage-2086931

Concernant les mesures contre les chômeurs, il y a désormais une majorité opposée chez les ouvriers et les « autres inactifs » sur l’efficacité pour le retour à l’emploi, chez les mêmes plus les employés et les professions intermédiaires. Ce ne sont pas les bons résultats chez les retraités ou les agriculteurs, artisans et commerçants qui peuvent rassurer Attal.

Toute la stratégie des gouvernements visait à s’attaquer à l’assurance chômage, jugé le maillon faible de la protection sociale parce que, dans le salariat en emploi, les mesures contre les chômeurs étaient largement majoritaires.

Bien sûr, il reste encore 46 % des ouvriers et des employés pour suivre le gouvernement, mais nous sommes loin des consensus antérieurs autour des 2/3. Surtout que, dans le même temps, ce sont autour de 80 % qui se prononcent pour la taxation des superprofits et l’augmentation des impôts des plus riches.

Après des mois et des années d’offensive idéologique de division entre les diverses fractions du salariat, ce retour de choix de classe inquiète nos aristos de la finance.

Et ce ne sont pas les bons résultats des mesures auprès des électeurs RN ou l’adhésion enthousiaste des LR qui a de quoi rassurer, d’autant qu’au sein de la majorité, des doutes se manifestent dans l’électorat et chez certaines responsables politiques.

Nous sommes à un tournant et Attal va se voir contraint à passer en force sa réforme, peut-être même par la voie réglementaire, là où il pensait avoir un consensus. Il n’a pas prêté attention au front syndical opposé à la stigmatisation des chômeurs.

Renaud Honoré dans Les Echos du 5 et 6 avril est bien obligé de constater : « mais quel que soit le bout par lequel on prend cette réforme, celle-ci suscite des réticences. Sur son principe, un peu plus de la moitié y est donc favorable. Avec de fortes divergences politiques ».3https://www.lesechos.fr/economie-france/social/sondage-exclusif-les-francais-partages-sur-un-nouveau-durcissement-des-regles-du-chomage-2086931

Taper encore sur les précaires

Dans la même édition de ce journal, s’organise déjà la contre-offensive.

Sans doute écrit dans l’urgence, un article de Pierre Cahuc s’alarme des oppositions syndicales. Par exemple, celle de Francois Homeril – président de la CFE-CGC – pour qui laisser croire que modifier les règles de l’assurance chômage peut réduire le chômage est « la caractérisation de ce qu’est un discours populiste, c’est-à-dire méconnaître les faits, braver la réalité sans état d’âme ».

Pour sembler connaître les faits, Cahuc en est réduit à mettre en avant deux études qui ne prouvent pas la soi-disant efficacité de la réduction des droits.

Et, comme d’habitude, il a recours aux comparaisons européennes sans tenir compte des différences entre systèmes et en faisant au passage l’apologie des réformes Hartz dont on sait le rôle qu’elles ont joué dans l’aggravation de la pauvreté en Allemagne.4Bien que les comparaisons soient difficiles, on peut quand même noter que la France se situe dans la moyenne pour la durée d’indemnisation et même la moyenne basse pour les montants des indemnisations voir https://www.unedic.org/storage/uploads/2023/10/19/EuropInfo-2023-L-Assurance-chomage-en-Europe_uid_653137747c7ef.pdf Nous avons là, de la part des soutiens du gouvernement, des élus renaissance et du gouvernement lui-même un mensonge caractérisé pour vendre sa réforme

Quant à Éric Le Boucher – fidèle apologiste des régressions sociales – il met en avant la nécessité de lutter contre « les faussetés du faux keynésianisme » en particulier l’idée que « vivre sans travailler ou seulement un peu pour recharger ses droits est une vie désormais normale après trois générations ayant subi le chômage ». Il en rajoute : « il y a aujourd’hui des milliers d’emplois disponibles et les artisans comme les entreprises souffrent d’une pénurie de main d’œuvre… Dire que ce sont des jobs dégradés est au 3/4 faux. »

Éric LeBoucher reprend là les poncifs traditionnels de la droite : les enquêtes des sociologues et les rapports des organisations caritatives comme les Secours populaire et catholique montrent que – même chez les plus loin de l’emploi – il y a aspiration à retrouver un travail. Il ignore qu’une majeure partie des chômeur·euses n’est pas inactive, mais alterne chômage et travail.

De plus, il ignore délibérément et avec mauvaise foi la nouvelle dégradation de l’emploi.

Quant aux jobs dégradés, il suffit de lire les enquête de la CGT sur les annonces illégales ou de voir la situation des saisonniers qui peuvent à peine faire face à un loyer pour voir comment Le Boucher est bien un populiste ultralibéral qui « méconnaît les faits et brave la réalité sans états d’âme ».

L’un comme l’autre ne veulent pas entendre parler d’une évaluation des lois antérieures avant toute dégradation supplémentaire de l’indemnisation (rappel : seulement 36 % des chômeur·euses sont indemnisé·es).

Leur argumentation n’est que l’expression de leur mépris de classe et de chiens de garde du Capital.

La gauche doit reprendre l’initiative en commun : allons chercher l’argent là où il est, et surtout pas dans la poche des plus précaires.

Voilà la campagne à engager dès aujourd’hui !

Notes