Le 12 décembre 2024, la CGT a initié une journée nationale de mobilisations. À l’occasion, elle a lancé une « alerte sociale » et présenté son plan d’action et de contre-propositions. Jean-Claude Mamet rappelle ces dernières et en discute dans un article que nous souhaitons mettre en lumière ici.
Licenciements, arracher des droits nouveaux
Par Jean-Claude Mamet. Publié le 11 décembre 2024 par Syndicollectif.
Le 12 décembre 2024 a lieu une journée nationale de mobilisations (manifestations, débrayages et grèves) organisée par la CGT. L’Union syndicale Solidaires y appelle également, ainsi que la FSU. Selon les entreprises, l’unité syndicale peut être plus large. La CGT a tenu le 27 novembre 2024 une conférence de presse pour lancer une « alerte sociale » et présenter son plan d’action et de contre-propositions, face à l’avalanche des plans dits « sociaux ». Ces propositions intéressantes sont rappelées et discutées ci-dessous, au regard notamment des débats connus sur les licenciements.
Auchan, Michelin, Vencorex, fret ferroviaire, Arcelor, et même Airbus : tous ces noms d’entreprises parfois très florissantes s’égrènent dans l’actualité comme un signal : sabrer dans l’emploi, fermer des établissements, délocaliser, licencier en réalité.
Mais ces entreprises connues masquent souvent la myriade des « petits plans », des sous-traitants tués par les donneurs d’ordre (dans l’automobile notamment, par exemple les fonderies), des départs individuels ou négociés (on ne licencie plus, « on se sépare » …), des intérimaires renvoyés·es. Il y a près de 18000 entreprises touchées entre 1 et 50 salarié·es, mais « seulement » 390 dans les « plus de 50 », bien plus visibles médiatiquement (tableau dans Le Monde du 29 novembre).
Rappeler aussi que 89% des licenciements économiques se font dans les entreprises de moins de 100 salarié·es (selon la DARES, organisme de recherche du ministère du Travail).
Mais aussi que l’invention des « ruptures conventionnelles individuelles » (en 2008) devenues « collectives » depuis les ordonnances Macron de 2017, a abouti à 500 000 départs en 2022, et une nouvelle accélération au début de 2024, donc avant les annonces actuelles. Ces ruptures collectives nécessitent un accord syndical, mais le patron n’a aucune justification économique à faire valoir et il n’est pas tenu au reclassement. Même si cela coûte plus cher en indemnités de départ, les entreprises sont très friandes de ce dispositif, évitant la mauvaise publicité des « plans sociaux » antisociaux. Ce qui a expliqué pendant plusieurs années leur succès et la baisse du nombre des « plans sociaux » en question aujourd’hui.
Brutalisation en chaîne
Pourquoi ce cumul d’annonces en cette fin d’années 2024 ?
Sans doute qu’une combinaison de facteurs se concluent par une brutalisation des décisions. Une sorte d’effet retard après la période COVID où les aides publiques du « quoi qu’il en coûte » sont maintenant remboursables pour boucher au plus vite le déficit public, alors que « la politique de l’offre » ou pro-business a asséché les recettes par centaines de milliards d’euros annuels de cadeaux aux entreprises depuis 2017.
S’ajoute la séquence d’inflation incendiaire : la hausse des prix de l’énergie suite à la guerre de la Russie s’est propagée par un effet d’aubaine, et étrangle les petites boites. Et dans un marché mondial implacable, tous les « grands » veulent se rentabiliser plus vite que les concurrents, pour attirer les capitaux.
Qui peut croire, comme le disent les syndicalistes CGT du commerce, que la famille Mulliez propriétaire d’Auchan (2389 suppressions d’emplois) soit sur la paille ? Qui ne sait que Michelin a versé 1,4 milliard d’euros à ses actionnaires en 2023 ? Qui ne voit pas aussi que les pouvoirs publics impuissantés en France laissent la voie libre aux entreprises pour frapper ?
Lors de la conférence de presse, un état des lieux très précis des « industries en danger » a été présenté, avec la présence des fédérations professionnelles et de Sophie Binet, secrétaire générale : verre et céramique, cheminots, commerce, papier-carton, chimie, métallurgie. 180 « plans » de suppressions d’emplois sont répertoriés. Le total des postes menacés s’inscrit dans une fourchette allant de 128 250 à 200 330. Le cabinet Altares spécialisé dans ces études va même jusqu’à totaliser 300 000 emplois.
- Les cheminots expliquent : « Notre bataille est sociale, économique et environnementale, c’est pour cela qu’elle est d’intérêt général ». 500 emplois sont en jeu dans le fret ferroviaire».
- Les chimistes : « LE TRAVAIL PAIE, LE CAPITAL COÛTE. Le 12 décembre, nous appelons tous les salariés de nos 11 branches à se mettre en grève et à se rassembler en région, notamment devant les sites de Vencorex à Pont-de-Claix, de Michelin à Cholet, de Solvay à Salindres, de Copenor à Dunkerque… »
- Les métallos : « Arcelor repousse les investissements pour la décarbonation et envisage de fermer deux sites. Renault refuse d’alimenter la Fonderie de Bretagne alors que l’entreprise a juste besoin d’un petit coup de pouce pour pérenniser les emplois et l’avenir industriel. […] La Fédération CGT de la métallurgie revendique plus que jamais l’adoption de la loi des GM&S qui permettrait aux salariés d’avoir une vision claire des filières et d’en finir avec le droit de vie ou de mort des grands groupes sur les entreprises sous-traitantes. Les aides publiques doivent être conditionnées et mises sous la surveillance des représentants du personnel».
- Le papier-carton (FILPAC) : « Et que dire du dossier Chapelle DARBLAY que le ministre de la Désindustrialisation laisse mourir sans lever le petit doigt alors qu’un projet fiable et viable est porté et défendu par les camarades de cette entreprise avec le groupe Fibre Excellence».
En matière d’action, des manifestations sont organisées, avec encouragement à revêtir les tenues de travail. En effet, il est bon de voir les industries en lutte, ouvriers et ouvrières, trop souvent oublié·es dans le débat public. Sophie Binet ose aller plus loin, appelle à la grève et même à « l’occupation des usines », comme à Vencorex (480 emplois dans la chimie en Isère) depuis plusieurs semaines.
Un moratoire : comment ?
La journée du 12 décembre marquera une étape par un retentissement politique. Comme toujours dans les procédures de licenciements, les fermetures de sites ou les plans de restructuration, la difficulté est de lutter en commun. Car les calendriers ne coïncident pas, malgré les annonces, et les réponses alternatives ne sont pas faciles à construire sur le plan interprofessionnel. Ce n’est pas pareil que sur la réforme des retraites. Chaque secteur industriel a ses particularités, et les besoins immédiats peuvent varier.
La CGT généralise en exigeant des « Assises de l’industrie » (débouchant sur une loi) avec les pouvoirs publics, ajoutant la dimension environnementale et des investissements.
Cependant, elle met pour l’immédiat une exigence de « moratoire ».
[…]
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- Chômeurs et précaires se mobilisent
- Répondre aux vagues de licenciement
- Pour faire trinquer les précaires…