Déléguer notre autonomie alimentaire à d’autres serait une folie
Pourtant, l’explosion des importations menace notre autonomie alimentaire
La pandémie a posé la question de l’autonomie alimentaire. La guerre Russie-Ukraine fait grimper le prix des intrants : la fabrication d’engrais azotés a besoin du gaz russe, le chauffage des serres, des élevages de porcelets… nécessite gaz et électricité… Le prix des céréales s’est envolé
Le pays importe environ 20 % de sa consommation alimentaire : 2/3 des fruits, environ 40 % des protéines végétales, entre un tiers et 40 % de la consommation française de volaille…
Une fonction nourricière marginalisée, une dépendance accrue.
La modernisation de l’agriculture lancée dans la seconde moitié du XXe siècle, en vue d’augmenter ses rendements pour… mieux nourrir la population, semble sans fin. L’agriculture industrielle a atteint une forte productivité mais sa fonction nourricière est affaiblie par les gaspillages (près de 10 millions de tonnes par an, soit 1/3 de la production agricole) et la concurrence des productions de gaz et d’agrocarburants très subventionnées.
Par ailleurs, émancipée des contraintes du territoire, de plus en plus hors sol, elle doit se soumettre aux impératifs des semenciers et autres mastodontes de l’agrobusiness, aux fluctuations du marché et aux décisions politiques. L’agriculture, traitée comme un minerai, ne cesse de reculer dans la chaîne agroalimentaire et le pouvoir de décision des agriculteurs, qui perçoivent 6 % du prix des aliments vendus, se réduit comme peau de chagrin.
Les accords Dillon puis Blair House ont limité en Europe la production de légumineuses ; l’OMC, au nom de la concurrence, fait des droits du commerce et de la finance sa priorité. La recherche obsessionnelle des petits coûts de production amène, par exemple, à nourrir nos bestiaux avec du soja qui manque dans les favellas brésiliennes. Nos paysans doivent accepter la concurrence de produits qui ne répondent pas aux normes qui leur sont imposées ! Au sein de l’Union européenne, les distorsions de salaires et de normes environnementales ne sont pas reconnues comme un élément faussant la concurrence. L’U. E. a ainsi une place croissante dans nos importations : 1/3 des poulets viennent de Pologne, de Belgique, d’Espagne !
Notre dépendance alimentaire, ce sont aussi les technologies importées de Chine et des E.U. : puces électroniques qui guident la production et la logistique, molécules pour traiter les animaux et les cultures. C’est encore une main d’oeuvre saisonnière étrangère qui peut être arrêtée aux frontières par une pandémie !
Enfin, le capital mobilisé par des machines de plus en plus puissantes et connectées pousse inexorablement à la spécialisation : séparation de l’élevage et des cultures, tendance à la monoculture (betteraves, cultures céréalières…) qui réduisent l’autonomie des régions et allongent les transports. Les aliments que nous consommons en France parcourent à flux tendus en moyenne 3 000 km avant d’arriver dans nos assiettes !
Ainsi malgré sa position conquérante, l’agriculture industrielle est fragilisée par ses multiples dépendances.
A suivre : quelles voies pour sortir de l’insécurité alimentaire ?
Danièle M. 06/03/2022