« Nous faisons un seul choix : le rétablissement des finances publiques.», dit le ministre des Finances (Bruno Le Maire, Le Monde, le 6 mars). Contredire le discours des « aristos » qui dirigent est nécessaire, pour que personne n’hésite dans les prochaines phases de luttes et de mobilisations interprofessionnelles. Des objectifs pour unir (4).

Un emprunt forcé

Par Pierre Cours-Salies, le 5 mai 2024

Prendre l’argent là où il est

Des propos de Sophie Binet marquent ces semaines : « Il faut arrêter la course au moins-disant fiscal et miser sur l’innovation, la formation et la qualité de la production. Pour cela, il faut prendre l’argent là où il est. D’ailleurs, certains pays l’ont bien compris » (Le Monde, 4 avril).  Un dossier d’Alternatives économiques du mois d’avril est venu les appuyer : « Pourquoi il faut taxer les ultrariches : ils concentrent de plus en plus de richesses, ils payent moins d’impôts que d’autres ».

Des tribunes se sont accumulées sur ce thème : « La reprise en main du secteur financier par la puissance publique est nécessaire » (Le Monde, 3 avril). Et chacune de mettre en exergue un contraste : « Les chômeurs à la diète ». Ainsi, le même numéro d’Alternatives économiques d’avril fait ressortir que « 47 % d’allocataires (soit un million de personnes) voient leur indemnisation chuter ».

La communication du gouvernement a beau répéter que le chômage diminue. La réalité, c’est que des millions de précaires et de chômeurs·ses sont toujours là. Ce sont toutes les personnes – salarié·es ou allocataires d’un « dispositif d’aide » – qui sont contraintes de vivre avec des ressources au-dessous du seuil de pauvreté (1 200 €).

Le gouvernement a toutefois ravivé l’unité intersyndicale sur cette question brûlante : « il faut cesser la stigmatisation populiste des chômeurs »1– « Il faut cesser la stigmatisation populiste des chômeurs » signé par les Secrétaires généraux de la CGT, de la CFDT, de FO et par les Présidents de la CFTC et de la CFE-CGC, Le Monde, 19 mars.

Un sondage récent conforte la prise de position des organisations syndicales2– Selon un sondage Elabe pour « Les Echos » et l’Institut Montaigne, le projet de réforme de l’assurance-chômage annoncé par Gabriel Attal ne suscite l’adhésion que d’une courte majorité des Français. En revanche, la taxation des plus aisé·es et des superprofits remporte une large adhésion, y compris dans l’électorat macroniste. Les Echos, le 4 avr. 2024. Et même si « Un sondage ne fait pas le printemps…», le consensus sur le dos des chômeur·euses n’existe plus.

Les faits sont évidents ! Après impôts et prestations sociales, les 10 % des Français les plus riches captent près d’un quart de la masse globale des revenus. Et les 10 % les plus pauvres en reçoivent 3 %3 – Les 50 % des Européens les moins aisés ont détenu en moyenne seulement 4,8 % de la richesse nette de la zone sur la période. À l’inverse, les 5 % les plus riches détiennent en moyenne 43,1 % du total. Un écart abyssal.

Une mesure simple et efficace

Mais, la macronie a son dogme : on ne touche pas aux impôts, même des plus riches. Toute nouvelle rentrée fiscale destinée aux politiques publiques devra attendre le débat budgétaire de l’automne. « Une réforme de la fiscalité est nécessaire », explique Louis Maurin 4 – Louis Maurin, Libération le 24 avril: « Déficit public : il est temps de mettre fin au bal des démagogues ».

Rompre avec la politique économique de la droite et donc du gouvernement est certes une urgence. Toutefois, on connait par avance les discours et les délais… Pendant ce temps-là, l’austérité pour les moins riches et les destructions des services publics vont continuer !

Il faudrait revenir à une mesure qui a été utilisée bien souvent : un « emprunt forcé ». Cela consiste, pour une puissance publique, à lever des fonds auprès de sa population en la contraignant à lui prêter une partie de son patrimoine.

L’emprunt forcé n’est pas un impôt confiscatoire puisque les sommes sont garanties et des intérêts versés. Mais l’emprunt forcé permet que des richesses soient utilisées, avant d’être remboursées, dans 20 ans, par exemple. Il peut être rémunéré selon le taux d’intérêt décidé par l’État.
La France y a bien eu recours en 1983 (emprunt « Mauroy »).

De quoi répondre à la situation et sans attendre de longues discussions sur la réforme fiscale qui dureront bien jusqu’en 2027 ! Un financement disponible rapidement. Parce qu’il y a trop de situations d’urgence. Proposer un emprunt forcé pour aider les services publics et contre la pauvreté n’est pas être plus « rouges » ou « spoliateurs » que Mauroy !

Un résultat assuré

Parmi les 5 à 7 % les plus riches5www.observationsociete.fr). Voir aussi le site de l’observatoire des inégalités : site inegalites.fr, il faudrait socialiser un tiers, la moitié, ou plus de leurs enrichissements. Ils ont doublé leurs richesses en quatre ou cinq ans. Un fait devrait convaincre même les plus modéré·es : cinq milliardaires possèdent désormais autant que les 40% les plus pauvres en France. Les fonds levés par cet emprunt seraient gérés dans le cadre du Livret A, sans « spoliation », au taux général.

Macron et ses ministres cherchent 50 milliards d’économies en trois ans ? Nous leur disons : « qui cherche trouve » !

Les enquêtes sur les richesses des milliardaires font apparaître un gain de 236 milliards d’euros6– Oxfam : « La fortune des milliardaires a davantage augmenté depuis le début de la pandémie qu’en une décennie ».. En les obligeant à prêter le tiers (soit 79 milliards) Macron et Lemaire tiendraient leurs objectifs « d’économies ».

Ces sommes permettraient une autre politique du logement, des moyens pour les économies d’énergie, et pour les services publics ! Sans taxer les plus pauvres ni les classes moyennes, sans poursuivre la dégradation des services publics.

Voilà donc une solution bêtement réformiste, mais simple : un emprunt forcé sur les richesses du sommet de la pyramide.


Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :

Notes