Le Commissariat général au développement durable, qui dépend du ministère de l’Écologie, a publié en fin d’année une étude intitulée : « Les pollutions par les engrais azotés et les produits phytosanitaires : coûts et solutions ». Ce travail lève le voile sur les dépenses induites et bien souvent cachées de cette politique basée sur l’industrialisation de l’agriculture.
Alors que la France représente 18 % de la production agricole européenne, il faut avouer que sa consommation de produits phytosanitaires et d’engrais azotés est excessive. Pour les « pesticides » notre pays est le deuxième consommateur de l’Union, quant aux engrais azotés il en est le premier.
L’étude publiée montre que des quantités considérables d’azote sont répandues sans effets. C’est environ la moitié de l’azote entrant — mais 80 % de ce que l’on rajoute comme azote de synthèse — qui disparaît, soit parce qu’il se volatilise dans l’air, soit dans l’eau par lixiviation ou ruissellement. Il participe ainsi à d’importantes pressions environnementales. Pour les pesticides, l’indicateur pertinent retenu dans les plans « Écophyto » successifs, le NODU (nombre de doses unités), est stable ces dernières années bien que la volonté soit de le réduire. Là aussi, on estime que de 30 à 50 % des pesticides pulvérisés partent dans l’atmosphère et ne servent donc à rien.
Les conséquences environnementales sont dramatiques.
Les nitrates sont aujourd’hui présents dans la majorité des nappes phréatiques métropolitaines. Des teneurs supérieures à 50 mg/L (norme maximale admissible pour l’eau potable) sont mesurées dans le bassin parisien et en Bretagne. Pour ce qui est des pesticides, leur présence est générale dans les eaux superficielles et souterraines. Dans l’air, l’usage des engrais azotés a des conséquences : ammoniac, particules fines et ultrafines, oxyde d’azote (NOx). En termes d’émission de gaz à effet de serre l’utilisation d’engrais azotés constitue près de 10 % des émissions nationales. Enfin comment ignorer les enjeux de biodiversité et de santé ? Dans le milieu agricole, les études épidémiologiques ont clairement identifié des relations entre certaines maladies et l’exposition aux pesticides.
Les conséquences financières de l’utilisation de ces produits sont très importantes.
Pour ce qui est des engrais azotés, une tentative de calcul du coût social engendré se situe dans une fourchette comprise entre 0,9 et 2,9 milliards d’euros par an. Pour la seule pollution des milieux aquatiques, les dépenses liées au traitement des nitrates agricoles supportées par les services de l’eau et de l’assainissement se situeraient entre 280 et 610 millions d’euros. Quant à celles liés aux produits phytosanitaires, la fourchette serait entre 260 et 360 millions d’euros par an. Il pourrait également y être ajouté les coûts indirects pour les ménages (achat d’eau en bouteille, contentieux communautaires, etc.). Comme le précise le Monde, cette étude n’intègre pas, par exemple, « les quelque 2 millions d’euros du ramassage des algues vertes dopées par les nitrates, soit 50 000 à 100 000 mètres cubes chaque été. »
Pour autant la France est régulièrement condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour son incapacité à améliorer la qualité de ses eaux et à respecter la directive de 1991 sur les nitrates. C’est la Commission européenne qui a fini par porter cette affaire devant la justice, estimant que notre pays ne traite pas correctement le problème. Pour les pesticides les plans « Ecophyto » successifs n’ont pas permis de mettre fin à ces pratiques. Pour celui en cours d’élaboration, la FNSEA nous explique que « réduire l’utilisation des produits phytosanitaires de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025 est irréaliste. »
Ensemble ! Mouvement pour une alternative à gauche, écologiste et solidaire affirme que la continuation d’une telle politique agricole industrielle où le laisser-faire tient lieu de règle ne saurait constituer notre avenir et encore moins celui de la planète !
René Durand.