La colère exprimée par de nombreux agriculteur·trices est légitime, tant le problème de la rémunération du travail paysan est profond. Mais les mesures libérales ont fait la preuve de leur nocivité. La loi devrait interdire tout prix agricole en dessous des prix de revient et mettre fin immédiatement aux négociations d’accord de libre-échange.
Crise agricole ou crise du modèle agro-industriel ?
Par ENSEMBLE!. Le 26 janvier 2024
Depuis quelques jours, le monde paysan est en révolte pour protester contre une situation économique et sociale qui devient critique. Partis du Sud-Ouest, les barrages de route se multiplient désormais partout en France. Les raisons de la colère portent principalement sur l’absence de prix rémunérateurs et contre la multiplication des « normes » qui encadrent l’activité agricole.
Après deux années plutôt favorables après la période covid, les prix agricoles sont partis à la baisse alors que les coûts de production augmentaient, parfois fortement (énergie, intrants). Une évolution qui pèse sur le revenu des paysans et paysannes avec de grandes disparités selon les filières, le type d’exploitation et la situation géographique. C’est dans la moitié sud de l’Hexagone que le revenu agricole moyen est le plus bas.
Cette situation est le produit d’un système agro-industriel ultralibéral où règne la logique d’une concurrence généralisée : concurrence avec les productions des autres pays européens, concurrence avec les produits agricoles à bas coût importés grâce aux accords de libre-échange; pressions sur les prix par la grande distribution et les industries de transformation, en jouant sur la concurrence entre agriculteurs chez nous (comme la multinationale Lactalis qui s’entête à vouloir baisser le prix payé aux producteurs laitiers au-dessous du prix de revient !).
Dans ce contexte, les mots d’ordre défendus par la Confédération Paysanne sont justes et légitimes « Un revenu digne pour tous les paysans et paysannes » et « Rompre avec le libre-échange »1La Confédération paysanne appelle à se mobiliser pour des paysannes et paysans nombreux et rémunérés !.
Quant aux « normes » qui pèsent sur l’activité agricole, elles sont à l’image du « carcan » bureaucratique qui s’impose petit à petit à toutes les activités humaines et qui est consubstantiel de l’ultralibéralisme économique. La revendication d’un allègement des normes administratives les plus aberrantes est légitime. Mais derrière ce rejet des « normes » se profile aussi les exigences moins avouables des lobbies productivistes de mettre à la poubelle toute réglementation de protection de l’environnement. La proposition de la FNSEA d’abandonner le plan Ecophyto ou son rejet des zones de non-traitement ne doivent tromper personne !
Il y a urgence à sortir l’agriculture et les paysans et paysannes de ce système ultralibéral et productiviste qui les asphyxie. La Confédération Paysanne, contrairement à la FNSEA dont les dirigeants sont également les dirigeants des grosses entreprises agro-alimentaires, propose de vraies solutions permettant d’accorder aux paysans des revenus décents et pérennes, tout en restant consciente de la nécessité de réglementations concernant la protection de l’environnement, de la santé, du climat.
Il y a urgence à s’engager dans un nouveau modèle agricole respectueux des êtres humains – producteurs et consommateurs — et de la nature.
Avancer vers l’instauration d’une véritable Sécurité Sociale de l’Alimentation peut en être la voie.
Pour compléter, vous pouvez lire :
- La Confédération paysanne ne peut se satisfaire des annonces du gouvernement et poursuit la mobilisation
- « Amis paysans, ne vous trompez pas de cible ! »
Et sur notre site, à propos de la Sécurité Sociale de l’Alimentation :
- SSA : les bonnes solutions ? /8
- Pourquoi la SSA ? /7
- La SSA, agrandir l’arbre de la sécu /6
- La SSA, bonnes intentions mais… /5
- La SSA, un projet féministe /4
- Éléments de réflexion pour une SSA /3
- Contribution à propos de la SSA /2
- Sécurité Sociale de l’Alimentation /1
Notes
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