À l’occasion du 8 mars, Lucile a écrit un texte sur la situation des femmes et des filles de Gaza. Elle l’a lu, lors de la manifestation de Gap en soutien au peuple Palestinien. Nous souhaitons le partager largement.

Femmes et filles de Gaza

Par Lucile Ali, le 9 mars 2023

Pour cette journée internationale des droits de la femme, je vais vous parler de filles et de femmes qui tentent de survivre dans l’endroit le plus dangereux au monde en ce moment : la bande de Gaza.

Elles paient un prix très cher, trop cher, inacceptable. Elles le paient de leur vie, de leurs corps blessés, mutilés et affamés de force. De leur âme, endeuillée, de leur santé. De leurs maisons réduites en gravats, de leurs foyers déplacés et dispersés. De leurs familles, de leurs enfants qu’elles voient souffrir et mourir. Des bébés qu’elles portent et qu’elles mettent au monde en enfer.

Plus de 5% de la population – 110 000 personnes – en cinq mois tuées, blessées ou disparues. 70 % de ces victimes sont des femmes et leurs enfants ! Soixante-trois femmes sont tuées chaque jour.

Pour cette journée, je voudrais rendre hommage d’abord à une femme forte, courageuse et solide, une femme moderne et combative. Elle est morte en janvier. C’était ma belle-sœur. Elle s’appelait Susan. On ne lui a pas accordé le droit de vivre. On ne lui a pas laissé la chance du droit d’être soignée. Elle n’a pas eu droit d’accès aux soins, que pourtant tout être humain devrait avoir, mais qui n’existent plus à Gaza. Gaza, où des hôpitaux sont visés et détruits par l’armée en violation totale des lois internationales. Gaza, qui subit un blocus sur les équipements et les médicaments.

Susan a été emportée en quelques jours, rapidement affaiblie. Elle n’a pas eu droit à des examens médicaux ni à un traitement. Susan, c’était une femme aux idées féministes, et au fort caractère, maman de trois filles aujourd’hui privées de leur mère.

Misk, c’était la plus jeune de ses 3 filles, ma nièce, 19 ans. Elle était étudiante en deuxième année de médecine. Brillante et vive, elle avait un rêve. Elle avait choisi de devenir médecin. De jouer ce rôle dans son avenir au sein de sa société. Elle qui voulait soigner les gens, impuissante, elle a vu mourir sa mère.

Toi Misk, pourras-tu aller au bout de ton rêve ? Que se passera-t-il à la fin de la guerre ? Toutes les universités de la bande de Gaza ont été totalement détruites, compromettant toute chance d’avenir. L’éducation est tellement chère aux filles palestiniennes, un de leurs plus grands moyens d’émancipation. C’est cela que l’on vous nie aussi : votre droit – présent et futur – à l’éducation, votre droit à un avenir.

Cette guerre, le siège et l’occupation sont des violences faites aux femmes palestiniennes. Comme les bombardements qui rasent tout, vous forçant à vous déplacer, à tout quitter, à vous retrouver dans des abris surpeuplés, sans intimité et sans hygiène.

Cette violence inouïe que vous subissez. Cette torture psychologique à laquelle vous êtes soumise. Chaque fille et femme est endeuillée à Gaza.

Je pense souvent à ma nièce Raf, 20 ans. Quelle est et sera sa santé mentale, alors que son père, chirurgien, a été enlevé par les forces israéliennes, comme beaucoup de médecins. Son sort est inconnu depuis plusieurs semaines, c’est un disparu.

Raf, toi qui as aussi perdu ton petit frère de neuf ans, exécuté par un sniper israélien d’une balle dans la tête. Ce deuil que tu dois porter, cette dévastation, cette violence, c’est à cela que sont soumises les filles de Gaza dès leur plus jeune âge. Quelle capacité de résilience pourra apaiser tant de traumatismes dans cette insécurité permanente, dans ce chaos ou rien n’est épargné.

J’ai une autre nièce, Joury, qui vient d’avoir six ans. Coincée dans la zone nord de la bande de Gaza. Cette petite fille innocente a vu la mort de près plusieurs fois. Aujourd’hui, comme tous les enfants – surtout dans le nord – elle souffre d’une faim extrême. Volontairement, on utilise l’arme de la famine contre la population. Cela aussi compromet leur avenir en tant que femmes, leur développement dans leurs corps de petites filles. Et les mères, impuissantes, sont soumises à la pire des tortures, voir mourir leurs enfants, leurs bébés de faim et de déshydratation.

Pour finir sur une touche d’espoir, je vais vous parler de Tia, née en janvier au milieu des bombes, là où les mères écrivent le nom de leurs enfants sur leurs bras, au cas où le pire arriverait, afin qu’on puisse les identifier.

Tia, il n’y avait pas de place pour toi dans nos cœurs ravagés. C’était déjà trop lourd à porter, le nombre de vos vies menacées, le nombre de vos destins assassinés. L’annonce de ta naissance a juste été un soulagement que ta mère ait survécu à l’épreuve de l’accouchement dans cet enfer. Et puis, en voyant ta photo, petit poupon souriant aux yeux encore bleus, on ne peut qu’espérer. Tia, petite fille née dans l’enfer de Gaza, auras-tu le droit de vivre ? Auras-tu un jour droit à la liberté et à un avenir ? Tu représentes l’espoir des générations futures, d’un avenir après le pire.

Dans cette guerre génocidaire, les femmes palestiniennes demeurent indispensables à la survie d’un peuple que l’on tente d’effacer.

Elles ont une force et une résilience remarquables. Elles se sont battues pour prendre une place dans une société patriarcale avec un poids des traditions encore lourd. Elles y jouent un rôle. Elles se battent pour l’avancée de leurs droits et auront un rôle à jouer pour la libération et la reconstruction de leur pays, sous occupation et blocus depuis des années.

On dit d’elles qu’elles sont la colonne vertébrale de la société palestinienne.

Aujourd’hui, ne les oublions pas !


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