Nous avons déjà présenté sur notre site plusieurs textes écrits par Lucile. Ses écrits imposent les images d’une réalité monstrueuse. Membre d’une famille palestinienne de Gaza, elle témoigne pour montrer leur quotidien.

Destruction

Par Lucile, membre d’une famille franco-palestinienne. Texte lu lors de la manifestation organisée à Gap par le collectif pour une paix juste entre Israéliens et Palestiniens, le samedi 17 février 2024.

 

La nuit est belle ici ce soir, le ciel est clair, les étoiles, juste quelques nuages,

Je pense à vous,

À la destruction méthodique d’un groupe humain,

À la destruction méthodique des Palestiniens,

À la destruction méthodique des miens,

La nuit est douce, j’ai la nausée, depuis quatre mois,

La destruction en cours des Palestiniens de Gaza est indéniable. Tous les pans du passé, du présent et du futur ont été détruits. Cette impression qu’il est déjà très, très tard.

La méthode utilisée a été implacable,

Elle a un préalable. Depuis des années, vous avez été tués, niés et déshumanisés, enfermés, privés de vos droits fondamentaux, traités d’animaux,

La destruction méthodique d’un groupe d’humain,

La méthode, avec ses étapes,

La terreur d’abord. L’emploi démesuré, disproportionné, indiscriminé de la force, face à un peuple nu et enfermé. La violence du feu, le fracas des bombes les plus lourdes qui traversent les bâtiments, écroulent les étages. Des cibles à l’infini grâce à une nouvelle technologie, l’artificialité d’une intelligence au service de la violence. Des corps déchirés, brûlés, écrasés, des familles massacrées.

La méthode, appliquée par étapes,

Vider des zones entières, pousser les gens, pas n’importe où, pas au hasard, les déplacements massifs et forcés de civils désespérés, vers le sud, c’était stratégique et méthodique, c’était piégé, leur faire croire que c’est sécurisé.

Ma famille, comme Gaza, est séparée, divisée, en trois. Le nord, le centre et puis ceux du sud à Rafah.

Le Nord est complètement rasé, un champ de béton concassé, mais où 500 000 personnes survivent encore pourtant, sous la terreur de l’armée qui détruit et qui tue en visant des Palestiniens parce que Palestiniens, tout simplement. Sinon comment justifier le meurtre ciblé des enfants ?

Il y en a tellement. Mais je pense à la photo de ces deux garçons, deux frères. Le premier qui a été visé par un tir de l’armée avait douze ans, juste sorti devant son palier. Quand son frère a voulu aller l’aider, il a été visé à ton tour. Les deux corps, l’un sur l’autre, se vidant de leur sang, sous le regard impuissant de leur sœur et de leurs parents.

Ou la vidéo de ce petit gamin de 2 ou 3 ans, cette semaine, qui tenait fermement la main de sa maman, deux tirs de sniper, bien visés. Et deux corps immobiles, pour l’éternité.

Et la famine, partout, mais encore plus au nord. Une famine forcée, organisée, oui, là encore, méthodique et calculée, une arme de guerre, une arme indiscriminée. Les premiers à en mourir, les bébés et les enfants, et des séquelles pour les survivants, compromettant leur vie, leur développement mental, cérébral et nerveux, à tout jamais.

La destruction d’un système de santé aussi. Réduire à néant tout espoir de s’en tirer pour la majorité des blessés.

La destruction méthodique d’un groupe humain,

Implacable machine à tuer,

La seule règle qui peut être anticipée, c’est que la situation de Gaza s’aggrave de jour en jour. On croit avoir atteint de l’horreur le sommet, et puis non, c’est encore pire chaque jour, comme la seule règle d’un jeu macabre dont l’objectif est la destruction méthodique d’un groupe humain.

Le peuple de Gaza vit en enfer

Notre famille vit en enfer

Oui ça ressemble fortement à un processus génocidaire

Notre famille à Rafah, comme les autres là-bas, vit dans l’horreur de la peur, la peur d’une attaque sur cette foule massée, la peur suprême d’être déportée, la douleur du présent, l’avenir inexistant, on demande un plan d’évacuation, mais on vous empêche de retourner chez vous au nord dans vos maisons.

Non, les gens ne quitteront pas leur terre, n’abandonneront pas ce qui était leur maison, même effondrée. Tout ce qui est fait et sera fait ne fera pas partir les habitants de Gaza.

Celui qui pense qu’avec la force, on peut déraciner un Palestinien se trompe.

Car un Palestinien, a une force inconditionnelle, un espoir qui ne meurt jamais !

Lucile

 


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