Le gouvernement a fait savoir, le 8 février, qu’il voulait démanteler l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ((Evolution de l’organisation du contrôle et de la recherche en radioprotection et sûreté nucléaire)). Sans associer l’IRSN et ses agents, la société civile ou les élu·es, sans débat, mission ou audition préalable, il a décidé que les compétences techniques de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) seront dispersées entre l’Autorité de sûreté Nucléaire (ASN), la DNSD (son équivalent dans le monde militaire) et le CEA, chargé de la recherche.
L’État prend ainsi le risque de mettre en péril la sûreté nucléaire en France. C’est, en effet, l’IRSN qui étudie les problèmes de corrosion qui ont provoqué l’arrêt de nombreux réacteurs en 2022, le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse) ou encore la prolongation de la durée de vie des centrales de 50 à 60 ans. C’est aussi l’IRSN qui surveille la santé des travailleurs et travailleuses du nucléaire.
Quelle que soit l’opinion que l’on a sur le nucléaire, force est de constater que l’indépendance de l’expertise de la sûreté, de la sécurité nucléaire et de la radioprotection constitue tout de même une garantie contre les risques techniques ou technologiques. On l’a bien vu en ce qui concerne l’EPR de Flamanville !
Aujourd’hui, le travail de protection contre les risques liés au nucléaire est partagé entre plusieurs acteurs. L’Autorité de sûreté nucléaire prend les décisions et contrôle les installations liées au nucléaire civil. Quand il faut, par exemple, décider de prolonger ou non la durée de vie d’un réacteur, c’est elle qui tranche. Elle le fait sur la base d’avis scientifiques émis par l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire. Or l’IRSN travaille sur toutes les installations aussi bien civiles que militaires. Cela lui confère une très grande expérience dans les domaines de la sûreté, de la radioprotection, de la sécurité nucléaires, que ce soit sur les installations nucléaires civiles ou de défense.
Séparer les fonctions d’expertise, de recherche et de régulation administrative a permis d’améliorer les capacités de contrôle du nucléaire et donc sa sécurité. Dans le pays le plus nucléarisé du monde, où 40 % des Français ont une vision négative de l’énergie nucléaire, on comprend difficilement qu’on déconstruise notre système dual de contrôle de la sûreté nucléaire.
Si demain, le projet du gouvernement voyait le jour, on serait dans une sorte de confusion des genres fortement préjudiciable à l’organisation même de la sûreté. Car l’autorité de sûreté a, par exemple, autorité sur les installations du CEA. Or comment juger de la sûreté d’une nouvelle installation, si la recherche sur laquelle s’appuie son expertise, est faite au CEA ?
Pourtant, malgré l’avis de 2014 de la Cour des comptes – « La fusion de [l’ASN et de l’IRSN] constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. » – le gouvernement a décidé d’avancer à marche forcée : le président de l’ASN Bernard Doroszczuk, le directeur général de l’IRSN Jean-Christophe Niel et l’administrateur général du CEA François Jacq devaient rendre une première feuille de route dès le lundi 20 février.
Cette précipitation s’explique par la volonté gouvernementale d’intégrer le changement dans le projet de loi de finances pour 2024, voire dans la loi de relance du nucléaire actuellement en discussion au Parlement.
Il faut dire qu’on sentait régulièrement une forme d’agacement de l’ASN par rapport à l’autonomie de réflexion de l’IRSN.
De fait, il faut en être conscient·es, l’objectif du gouvernement n’est pas d’améliorer la sûreté. Il est, au contraire, de l’affaiblir pour accélérer la mise en œuvre des chantiers de réacteurs EPR supplémentaires annoncés par le président de la République. La décision a été clairement prise pour simplifier la vie de la filière nucléaire.
Pour ENSEMBLE!, mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire – qui milite pour une sortie du nucléaire militaire et civil dans le cadre de la transition énergétique –, l’indépendance et l’autonomie d’analyse de l’IRSN doit être maintenue, car, aujourd’hui comme demain, elle jouera un rôle d’expertise indispensable dans le domaine de la sûreté nucléaire.
La pétition lancée par les organisations syndicales CGT, CFDT, CFE-CGC de l’IRSN : Disparition de l’IRSN !
Pour compléter, vous pouvez lire sur notre site :