A la fin du mois de janvier, six personnalités « non partidaires » italiennes, l’écrivain Andrea Camillieri, le philosophe et animateur de la revue Micromega, Paolo Flores d’Arcais, le sociologue Luciano Gallino, l’historien Marco Revelli, la journaliste Barbara Spinelli et l’économiste Guido Viale, ont lancé un appel pour la constitution d’une liste citoyenne et autonome aux élections européennes : la liste l’Autre Europe avec Tsipras. Dans le champ de ruines qu’est la gauche italienne, et plus particulièrement la gauche de transformation, cette initiative me semble de la plus grande importance. Cet appel (que je traduis maladroitement à la suite de ce billet), en effet a vu se regrouper autour de lui plusieurs milliers de signatures d’individualités ou de collectifs divers. En France, Etienne Balibar et Enzo Traverso l’ont signé.
Des comités locaux de soutien à cette liste se constituent à travers l’Italie, débattant des points programmatiques, choisissant leurs formes organisationnelles et proposant des candidats pour les différentes circonscriptions. Des mouvements féministes ont apporté leur soutien, ainsi que des mouvements opposés aux grands projets inutiles et imposés (comme le mouvement NoTav qui s’oppose à la ligne grande vitesse Lyon Turin), ou des associations de jeunes étudiants, chômeurs et précaires. Le Parti SEL (Socialisme Ecologie et Liberté) de Nicchi Vendola a affirmé son soutien à la liste, comme une grande partie des organisations du Parti Refondation Communiste et du Parti des Communistes Italiens. On peut suivre la construction de cette initiative politique sur son site listatsipras.eu ou sur la page facebook L’Altra Europa con Tsipras. Dans les derniers sondages (28 février) cette liste était créditée de 7%, environ.
Texte de l’appel :
« L’Europe à la croisée des chemins
Avec Tsipras pour une liste autonome de la société civile
L’Europe est à la croisée des chemins, ses citoyens doivent se la réapproprier. Les adorateurs de l’immobilité disent qu’il n’y a que deux remèdes au mal qui a, en ces années de crise, mis a mal le projet d’unité né à Ventotene (projet rédigé en 1941 dans la clandestinité par trois intellectuels résistants antifascistes, qui allait donner naissance aux textes fondateurs de l’UE) pendant la dernière guerre, qui a gaspillé les espérances des peuples, qui a réveillé les nationalismes que la Communauté devait justement abattre. La première réponse est celle de ceux qui s’en contentent : pas à pas, par les ajustements les plus minimes, l’Union est en train de se guérir grâce à la thérapie de l’austérité. La seconde réponse est catastrophique : puisqu’une communauté solidaire s’est révélée impossible, il est urgent de regagner la souveraineté monétaire inconsidérément sacrifiée et de sortir de l’Euro.
Nous sommes convaincus que ces deux réponses sont conservatrices et nous proposons une alternative de type révolutionnaire. Nous sommes convaincus que la crise n’est pas seulement économique et financière, mais essentiellement politique et sociale. L’Euro ne résistera pas s’il ne devient pas la monnaie d’un gouvernement démocratique supranational et l’instrument de politiques qui ne seraient plus imposées d’en haut, mais discutées et approuvées par les femmes et les hommes d’Europe. Nous sommes convaincus que l’Europe doit demeurer l’horizon, car les Etats par eux-mêmes ne sont pas en mesure d’exercer la souveraineté, à moins de fermer les frontières, de faire comme si l’économie mondialisée n’existait pas, à moins de s’apauvrir toujours plus. Ce n’est que par l’Europe que les Européens pourront redevenir maîtres d’eux-mêmes.
C’est pourquoi nous faisons nôtres les propositions d’Alexis Tsipras, leader du parti unitaire grec Syriza, et que, pour les élections européennes du 25 mai, nous en faisons notre candidat pour la Présidence de la Commission Européenne. Son pays, la Grèce, a servi de cobaye pendant la crise et a été mis à terre. C’est pourquoi il est notre porte drapeau. Tsipras a dit que l’Europe,si elle veut survivre, doit changer fondamentalement. Elle doit se donner les moyens financiers d’un plan Marshall de l’Union, qui crée des emplois, avec des plans communs d’investissements et comble le fossé entre l’Europe qui réussit et celle qui n’y arrive pas, en apportant son soutien à cette dernière. Elle doit devenir une Union politique et donc se donner une nouvelle Constitution, qui ne sera plus écrite par les gouvernements, mais par son Parlement, après une large consultation de toutes les associations et structures de base dans les pays européens.
Elle devra refuser le « fiscal compact » qui punit aujourd’hui l’Europe du Sud, la considérant comme une p^cheresse et l’habituant à la soummission et qui punira demaon, probablement, jusqu’aux pays qui se croient plus fort. Au centre de tout, elle doit mettree le dépassement des inégalités, l’état de droit, la défense commune d’un patrimoine artistique et culturel depuis trop longtemps maltraité en Italie. La Banque Centrale Européenne devra avoir les mêmes pouvoirs que la Banque d’Angleterre ou la FED, en garantissant la stabilité des prix, mais aussi le développement de l’emploi et du pouvoir d’achat, la protection de l’environnement, de la culture, des autonomies locales et es services sociaux et en devenant le prêteur ce dernière instance dans les temps de récession. Nous n’oublions pas que la Communauté est née pour abattre les dictatures et la pauvreté. Les deux allaient de pair, alors, c’est encore le cas aujourd’hui.
Nous sommes confrontés aujourd’hui à une question écologique d’importance planétaire, qui peut bouleverser tous les peuples, et à un ensemble de politiques qui tendent à dévaloriser le travail, alors que les choix écologiques corrects pourraient être source de nouveaux emploi, de revenus adéquats, d’un plus grand bienêtre et de la réappropriation des biens communs. C’est la raison pour laquelle nous contesterons durement le mythe de la croissance économique telle que nous l’avons connue jusqu’à présent. Nous exigerons des investissements dans la recherche, les énergies renouvelables, la formation, les transports en commun, la défense du patrimoine culturel. Et nousn savons que pour une reconversion de cette ampleur, nous aurons besoin de plus d’Europe, pas de moins d’Europe.
CommeTsipras le disait justement, en se référant à la Grèce, pour l’Italie, tout ceci signifie qu’il faut remettre enquestion les deux pactes qui nous étranglent. Tout d’abord le « fiscal compact » (pacte de stabilité) : le budget équilibré qu’il prescrit est entré par traîtrise dans notre Constitution, l’Europe ne l’exigeait pas, se contentant d’indiquer ses « préférences ». En second lieu, le pacte qui lie notre système politique « cleptocratique »  aux exigences des marchés : nous exigeons une politique d’affrontement contre les mafias, le blanchîment, l’évasion fiscale, la protection et l’anonymat des capitaux gris, la corruption, dans une Europe où il ne sera plus permis d’opposer le secret bancaire aux enquêtes de la magistrature. Cela signifie enfin défendre la Constitution issue de la Résistance et ne pas en violer les principes, comme le suggérait la banque JP Morgan dans un rapport du 28 mai 2013, auquel les gouvenants italiens, par leur silence, avaient donné leur assentiment. Cela signifie mettre fin aux morts de la Méditerranée : les migrants ne sont pas un poids, mais le sel de cette croissance différente que nouys voulons. Cela signifie se doter d’une politique étrangère qui ne sera plus à la traîne d’un pays les Etats-Unis, qui perd de sa puissance mais pas de sa volonté de prééminence. La pax americana produit des guerres, du chaos, de l’ingérence. Il est temps de fonder une paix européenne.
En Italie comme en Europe, nous refusons les grandes coalitions : elles sont aites pour conserver le statu quo. C’est pourquoi nous disons non à la grande coalition parlementaire qui se prépare entre socialistes et démochrétiens européens, en nous présentant aux élections européennes de mai avec une plateforme de gauche, alternative et de rupture. Notre but : un Parlement constituant, qui se divisera entre les immobilistes et les innovateurs. A présent nous sommes certains qu’une grande pat des citoyens veut exactement ceci : ni une Union mal recuite, ni la fuite hors de l’Euro, mais une Autre Europe, reconstruite depuis ses racines. Nous ‘exigeons maintenant : il est temps, notre maison à tous est en flamme, même si chacun cherche à se réfugier dans sa mibiscule et illusoire tanière.
Voilà l’horizon. A partir de là, nous mttons en avant la proposition de donner vie, en Italie, à une liste qui fera valoir ces principes aux prochaines élections européennes.
Une liste portée par des mouvements et des personnalités de la société civile, autonome vis-à-vis des appareils aprtidaires, qui sera une riposte à la faiblesse italienne. Une liste composée en cohérence avec ce programme, qui porte la candidature de personnes, avec ou sans appartenance de parti, qui n’ont pas eu de charges électives ou exercé d’importantes responsabilités ces dix dernières années.
Une liste qui soutient Tsipras, mais qui ne fait pas partie du PGE, qui l’a choisi comme candidat. Nos élus siègreront au groupe GUE. Une liste qui pourra être soutenue, comme l’a été le referendum sur l’eau, par le plus grand nombre possible e structures organisées, et qui ne perdurera pas grâce aux remboursements électoraux.
Une liste avec Tsipras, qui mobilisera les citoyennes et les citoyens pour une Autre Europe. »