Les élections européennes constituent un enjeu central pour le Front de gauche et toute la gauche de transformation sociale en Europe. Dans le prolongement de la lutte contre le TCE en 2005, contre le traité de Lisbonne et plus récemment contre le traité d’austérité (TSCG), elles constituent la possibilité pour les peuples d’Europe d’affirmer, tous en même temps, leur refus des politiques d’austérité.
Mais il est urgent de desserrer l’étau médiatique qui cherche à enfermer le débat dans un « pour ou contre l’Europe », lui-même ramené au dilemme sortie de l’euro, voire sortie de l’Union européenne, ou adaptation au cadre de l’UE tel qu’il est. Le choix ne se réduit pas à un accompagnement plus ou moins étroit des politiques néolibérales de l’Union européenne, défendues par l’UMP comme par le PS, et le repli nationaliste, porté en France par le FN et dans le reste de l’Europe par les diverses forces populistes ou d’extrême droite.
Il est crucial pour les forces politiques porteuses de la conception d’une autre Europe, de parvenir à sortir le débat public de cette caricature et de montrer comment la refondation d’une autre Europe est possible.
La sortie de l’euro ne conduirait pas par elle-même à créer les conditions d’une autre politique. Outre qu’elle aggraverait la situation de crise du pays qui l’engagerait et ferait exploser sa dette, elle accentuerait les divisions nationalistes entre les peuples, renvoyant chacun à lutter dans son seul pays face aux mêmes logiques libérales et les détournerait plus sûrement des causes fondamentales de la crise. Il s’agit donc d’une proposition économiquement et politiquement dangereuse.
Nous situons notre combat dans le cadre d’une stratégie politique européenne, dans la construction d’un rapport de force de solidarité entre les peuples en Europe pour résister ensemble aux marchés, travailler à des alternatives politiques communes, pour la refondation d’une Europe sociale, démocratique, écologique. La crise de la dette publique montre que les institutions de l’Union européenne, telles qu’elles sont, fondées sur la concurrence généralisée, ne sont pas réformables.
Rupture avec les traités (de Maastricht, de Lisbonne, TSCG) et perspective de refondation d’une autre Europe sont donc indissociables. Il ne s’agit pas pour autant d’attendre une situation hypothétique où tous les pays pourraient se mettre d’accord pour une telle perspective. Il faut engager le processus, là où ce sera possible, par une politique dans laquelle l’application des mesures au service de la majorité de la population conduirait un gouvernement vraiment de gauche à désobéir aux traités et aux directives de l’Union européenne : refuser d’appliquer la règle des 3 % des déficits publics ; mettre en place un processus d’audit citoyen de la dette publique qui pourrait déboucher sur un rééchelonnement, un moratoire ou une annulation ; mener bataille au niveau de la BCE pour un changement de statut permettant de prêter directement aux États, et commencer à le faire à l’échelle nationale en cas de blocage ; refuser les directives de libéralisation des services publics et engager leur renforcement et leur extension ; remettre en place une fiscalité véritablement progressive ; revenir sur la contre-réforme des retraites ; engager une véritable politique de l’emploi, avec interdiction des licenciements boursiers, de la précarité et du temps partiel imposé, et une vraie réduction collective du temps de travail.
Ces mesures conduiraient à engager avec les institutions de l’Union européenne un affrontement dont l’issue ne peut être prévue. Mais il s’agit de les engager de façon coopérative, dans une perspective d’extension à tous les pays.
L’Europe que nous voulons doit se donner comme horizon l’affirmation de l’égalité des droits pour toutes et tous ; l’instauration d’un principe d’harmonisation sociale par le haut du temps de travail, des salaires, de la protection sociale ; la liberté de circulation et la remise en cause de l’Europe forteresse avec la régularisation des sans-papiers et la mise en place d’une citoyenneté de résidence ; le renforcement des droits des femmes et en premier lieu du droit à l’IVG ; l’engagement dans une vraie transition écologique en lien avec l’extension des services publics ; la mise en œuvre d’une politique de paix qui tourne le dos aux interventions impérialistes. Il n’y aura pas de refondation de l’Europe sans une révolution démocratique qui brise la dictature de la finance, qui redéfinit le projet européen en mettant la participation populaire au cœur de ce projet.;
Stéphanie Treillet. Publié dans le bulletin d’Ensemble d’avril.