En Israël, il doit y avoir au moins un homme particulièrement heureux, c’est Bezalel Smotrich. Il est en train de voir le Grand Israël se réaliser. Il lui reste à faire partir les Palestinien·nes encore présent·es pour que sa réussite soit totale ! À nous de ruiner son plan génocidaire.

Réalisation d’un rêve génocidaire
Une si longue histoire…

Par Jean-Paul Leroux. Le 1ᵉʳ décembre 2024.

En Israël, il doit y avoir au moins un homme particulièrement heureux. Il se nomme Bezalel Smotrich. Il est le nouveau prophète qui annonce la réalisation de la promesse de Dieu sur la terre d’Israël.

Il invite les Juif·ves à voir dans son texte Le plan décisif d’Israël, « une rencontre entre foi et réalisme, entre vision et réalité.1Bezalel Smotrich, Le plan décisif d’Israël, in la revue HaShiloh (2017), https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan. p.1 » En effet, « j’y expose mon « plan décisif », que j’ai appelé « Un seul espoir« . Il s’agit d’une solution globale, optimiste sans être naïve, qui ne se moque pas des difficultés mais qui s’accompagne d’une véritable foi. La foi dans le Dieu d’Israël, dans la justice de notre cause et dans notre appartenance exclusive à la Terre d’Israël.»

Cet homme est en train de voir qu’Israël occupe la totalité de la Samarie et de la Judée (la Cisjordanie). Il est entré dans Gaza – qui dans l’Israël historique faisait partie de la Judée. Il maîtrise une partie du Liban sud. Il a annexé une partie du Golan. Le Grand Israël n’est plus une vue de l’esprit, il se réalise.

La colonie de Beit El, au cœur de la Cisjordanie, où il a grandi n’est plus une enclave juive au centre de la Cisjordanie (la Samarie et la Judée, comme il la nomme). Ce sont maintenant des terres vouées à l’inclusion dans le Grand Israël. Sa ville d’enfance domine la contrée alentour et il « croit au lien vivant entre le peuple d’Israël et la terre d’Israël, au destin et à la mission du peuple juif pour le monde entier, et à la vitalité de la terre d’Israël pour assurer la réalisation de cette cause. »

Les événements récents qu’il a tant contribué à faire advenir ne peuvent que satisfaire sa vision du monde et sa foi. Que son rêve se bâtisse au prix de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’un génocide, n’est pas en question.

Il a appris dans le livre de Josué le récit de la prise de Jéricho : « Quand il entendit le son de la trompe, le peuple poussa un cri de guerre formidable et le rempart s’écroula sur lui-même. Aussitôt le peuple monta dans la ville, chacun devant soi, ils s’en emparèrent. Ils appliquèrent l’anathème à tout ce qui se trouvait dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, jusqu’aux bœufs, aux brebis et aux ânes, les passants au fil de l’épée.2Le Livre de Josué, 6, 20-21. »

Bezalel Smotrich s’inscrit dans cette vielle tradition de conquête, faite de destructions et de morts pour dominer la « Terre promise ».

Principes de l’inscription de l’éternité dans le temps

C’est entendu, il est un prophète et, faut-il ajouter, un homme pragmatique et réaliste comme il se décrit lui-même. Son plan définitif est basé sur l’usage stratégique de la ruse et de la force.

Son premier axe stratégique consiste à ne pas refaire les erreurs – celles d’Yitzhak Rabin, par exemple – croire en la paix avec l’occupant illicite d’Israël – les Palestinien·nes – et les doter d’une reconnaissance en droit international.

Deuxième axe stratégique : dénoncer la possibilité de « l’existence de deux aspirations nationales contradictoires sur la terre d’Israël, dont la réalité démontre qu’elles ne peuvent être maintenues en tandem. Le fantasme selon lequel ces deux ambitions peuvent coexister a accompagné le mouvement sioniste depuis le début : tout au long de son histoire, l’État d’Israël a accepté des compromis et des partitions, qui ont été rejetés à maintes reprises par la partie arabe.3Bezalel Smotrich, Le plan décisif d’Israël, in la revue HaShiloh (2017), https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan p.2 »

Troisième axe stratégique : chasser les Palestinien·nes, comme lors de la Nakba qui fût une guerre gagnée, par les fondateurs d’Israël. Mais, cette fois, la lutte sera définitive, en ce sens que les « Arabes » accepteront notre domination ou bien qu’ils seront défaits. « Ce plan est le plus juste et le plus moral à tous points de vue – historique, sioniste et juif – c’est la seule option qui puisse conduire au calme et à une véritable coexistence.4Bezalel Smotrich, Le plan décisif d’Israël, in la revue HaShiloh (2017), https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan p. 5 »

Le chantier du plan décisif

Il faut arrêter, une bonne fois pour toutes, la longue suite, répétitive et vaine car non décisive des mises au pas des Palestinien·nes : 1987, première intifada ; 2000, deuxième intifada ; 2006, pluie d’été ; 2008/2009, plomb durci ; 2012, pilier de défense ; 2014, bordure protectrice ; 2015/2017, violences continues entre Israël et Gaza ; 2019/2021, « Dôme de fer » et « Mur de Fer ». Nous le pouvons, pense-t-il, en étant réaliste.

Le premier point consiste à augmenter la colonisation pour la rendre irréversible. Mais surtout pour faire comprendre à l’autre « partie » qu’elle n’a aucun espoir de rester et de nous vaincre. « Cette étape sera réalisée par un acte politico-juridique imposant la souveraineté sur l’ensemble de la Judée et de la Samarie.5Bezalel Smotrich, Le plan décisif d’Israël, in la revue HaShiloh (2017), https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan p. 8 »

Cela implique la disparition de l’Autorité Palestinienne comme entité juridique reconnue internationalement. Pour cela, il est nécessaire de faire advenir un concurrent qui le dénigre et l’attaque. Le Hamas jouera admirablement ce rôle.

La gestion administrative de la « Judée » et de la « Samarie » ne doit plus être celle d’un territoire sous occupation militaire. Car celle-ci admet la légitimité d’une entité juridique, celle de l’armée d’occupation qui lui donne le statut de pays occupé. Heureusement, le transfert de la gouvernance militaire à une administration politique et civile lors de la nomination de Bezalel Smotrich au poste de Ministre des Territoires occupés, peut être considéré comme une « annexion de jure ».

Dès juin 2020, Michael Sfard, avocat des droits de l’homme, avait alerté l’opinion israélienne et internationale sur ce projet d’annexion : « Après l’annexion, ces palestiniens deviendront des étrangers illégaux et seront menacés d’expulsion 6Michael Sfard, entretien au Middle Est Eyes du 3 juin 2020.». Et il reviendra, en février 2023, sur la dangerosité de cette annexion : « c’est un changement radical de la gouvernance de la Cisjordanie et des territoires palestiniens occupés en général. C’est un approfondissement de l’apartheid qui met encore plus Israël en conflit avec le droit international, lequel interdit l’acquisition de souveraineté par la force.7Michael Sfard, entretien au Middle Est Eyes du 27 février 2023. »

Les analyses de Michael Sfard sont justes certes. Mais elles signifient surtout que le Plan décisif d’Israël est en voie de réalisation.

Le second point porte sur le contexte international. Le gouvernement israélien réalise un coup de maître avec les accords d’Abraham qui débutent en 2020, date également des projets d’annexion.

Ces accords sont des traités de paix entre Israël et les Émirats arabes unis et Bahreïn. Ils vont servir de matrice à d’autres accords avec le Soudan et le Maroc. Ils sont l’œuvre de l’administration Trump et visent, sous prétexte de divers avantages aux parties prenantes, de faire reporter le projet d’annexion de la Cisjordanie.

Un report d’annexion n’est pas un renoncement définitif à une annexion. Bien au contraire, c’est l’affirmation à terme de la réalisation de cette annexion. Ainsi, les territoires occupés connaissent précisément leur sort : devenir partie intégrante du grand Israël, c’est une victoire de l’alliance électorale de Smotrich avec Netanyahu.

Reste la réalisation sur le terrain de ces victoires juridiques et politiques. Ce sera, paradoxalement, le 7 octobre 2023 !

Netanyahu a usé de tous les arguments politiques et juridiques pour empêcher le travail de la commission d’enquête israélienne sur le déclenchement de l’attaque par le Hamas et ses alliés le 7 octobre 2023. Apparemment, il avait de solides raisons pour agir ainsi.

Le rapport final de cette commission d’enquête est maintenant connu dans ses grandes lignes. La rédaction du journal The Craddle, en date du 26 novembre 2024 en donne les principaux attendus.

La commission d’enquête israélienne reproche à Netanyahu d’avoir financé le Hamas, d’avoir négligé les rapports annonçant une attaque imminente. Elle lui attribue également la lenteur des réactions de l’armée au début de l’attaque. Ces dysfonctionnements seraient dus au fait qu’il « aurait sabordé tous les centres de décision, y compris le cabinet et le Conseil de sécurité nationale, d’une manière qui a empêché toute discussion sérieuse.8The Craddle du 20 novembre 2024. »

De l’ensemble de ces erreurs, il a résulté le fait que les troupes déployées sur le terrain n’ont pas répondu à l’attaque du Hamas pendant des heures, mais que l’armée de l’air a déployé des hélicoptères d’attaque Apache et des drones qui en fonction de la directive Hannibal ont tué un grand nombre de civils israéliens pour éviter qu’ils ne deviennent otages à Gaza.9Commission d’enquête israélienne sur le déclenchement de l’attaque du 7 octobre, dans The Craddle du 20 novembre 2024.

À la limite, peu importe, la responsabilité de Netanyahu lors du 7 octobre. Le résultat est clair : Israël occupe toutes les terres à l’ouest du Jourdain. Le Grand Israël est une réalité physique sur le terrain et, pour Smotrich, qui n’est pas inculpé par le CPI, il s’agit d’une étape essentielle à la réalisation de son plan de 201710Bezalel Smotrich, Le plan décisif d’Israël, in la revue HaShiloh (2017), https://hashiloach.org.il/israels-decisive-plan.. Il aura mis sept ans pour voir le début de sa réalisation. Un laps de temps minuscule du point de vue de l’éternité.

Il lui reste à faire partir les Palestiniens encore présents pour que sa réussite soit totale !

À nous de ruiner son plan génocidaire.


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Notes