Dans une tribune publiée par l’Humanité le 5 décembre 2022, Denis Gravouil secrétaire de la CGT spectacle et négociateur confédéral sur le chômage, revient sur la démolition de l’assurance chômage par ce gouvernement.
Le « retour » du NSTS
L’intérêt de cette tribune est de s’appuyer sur un vieux projet CGT d’assurance chômage qui est là réaffirmé (il est d’ailleurs proche de ce que revendiquent la FSU et Solidaires) : « Le droit au travail se traduit par la revendication de nouveaux statuts du travail salarié (NSTS) : un droit à un revenu, des droits sociaux et des droits de participation à la démocratie sociale dès les études (travailleur en formation), pendant sa carrière (en emploi ou non) et jusqu’au décès (avec une retraite la plus digne possible, à 60 ans)… Ces droits sont attachés à la personne, donc non liés au contrat de travail. ». Il est urgent de populariser ce projet d’avenir s’appuyant sur un projet de société alternatif au macronisme et aux autres variantes de libéralisme autoritaire.
Ces propositions ne peuvent être crédibles qu’en s’appuyant sur une vision d’avenir qui n’enferme pas la question du chômage dans un débat technique et dans les a-priori du seul financement : « Utopiste ? Non, car les dépenses pour le chômage ne représentent que 1,5 % du PIB. Encouragement à l’oisiveté ? Non, parce que les droits sociaux sont indispensables au partage des richesses, parce que le NSTS consacre l’autonomie des travailleur·euses face au chantage patronal à l’emploi, et que la politique de l’emploi doit être complètement revue, en la retirant aux capitalistes, pour planifier une politique publique assurant, à toutes et à tous, le droit de vivre dignement sur une planète sauvegardée ».
Cette proposition générale devrait être débattue. En particulier, comment répondre aux défis des modifications technologiques et surtout à une planification écologique si l’on ne donne pas aux travailleur·euses des assurances en cas de changement de métier (puisqu’on nous dit que chacun·e devra en changer une ou plusieurs fois dans sa vie professionnelle). Aujourd’hui, le gouvernement et le patronat voudraient faire payer ce droit à la formation. Personne ne souhaite revenir en arrière sur une assurance chômage qui a laissé de côté des catégories de plus en plus nombreuses de salarié·es, personne ne souhaite revenir à une gestion comptable de l’UNEDIC du couple CFDT-MEDEF. C’est ce NSTS qu’il faut imposer dans le débat public, le populariser, en faire le centre des débats sur l’alternative sociale.
Le projet et l’urgence
C’est la condition pour que les revendications immédiates – mesures d’urgence sociale – soient compréhensibles et permettent la mobilisation face à un horizon qui apparaît aujourd’hui comme bouché.
Privées de la perspective d’un nouveau droit au travail pour toutes et tous, les revendications plus immédiates sont incompréhensibles : comment penser que leur satisfaction est possible dans le cadre de la politique sur le chômage suivie jusqu’alors : « La CGT revendique dans l’immédiat d’abaisser le seuil d’ouverture à deux mois pour les primo-entrants, d’augmenter la durée à 60 mois et d’indemniser à hauteur du salaire perdu, avec un véritable minimum à 80 % du Smic revendiqué par notre organisation syndicale (2 000 euros), y compris pour les temps partiels, subis à 86 % par des femmes. Il convient, en outre, de permettre l’accès à des formations longues et qualifiantes, gage de retour à l’emploi et de la reconnaissance par le salaire. L’automaticité des droits est indispensable. ». Ceci suppose d’augmenter les ressources du service public de l’emploi, mais aussi les cotisations des entreprises et de faire en sorte que soit mis fin à « l’évasion sociale » au bénéfice des groupes qui jouent sur la sous-traitance : une péréquation plus juste des cotisations sociales doit être débattue en analysant les pratiques « d’optimisation sociale » des multinationales (et d’autres).
Mais pendant la période de transition, il faut aussi apporter des réponses à celles et ceux qui sont privé·es de leur statut de salarié·es et des droits afférents, les pseudo-indépendant·es dont le nombre ne cesse d’augmenter (micro entrepreneurs, uberisé·es…). Il faut mettre à contribution, par des prélèvements exceptionnels, le patrimoine des 5 % les plus riches qui a quasiment triplé dans les années des vaches grasses libérales, mais aussi celui des actionnaires qui ont vu leur revenu exploser alors que c’est la crise pour le plus grand nombre. Ce financement pas l’impôt doit être provisoire parce qu’il faut rompre avec ce qui a été initié par la CSG : le paiement de la protection sociale par les contribuables. C’est à la source, dans l’entreprise, qu’il faut trouver les mécanismes de partage des richesses. C’est d’autant plus important que c’est l’ensemble de la protection sociale qui est menacée. Derrière le chômage et les retraites, c’est le système de santé et l’assurance maladie qui vont pâtir de cette politique.
Notre stratégie ne vise pas à faire pleurer sur le mauvais sort des pauvres, mais à montrer à toutes et tous que les droits de « ces gens-là » sont la garantie des droits universels.
Étienne ADAM
15 décembre 2022
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